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jeudi 12 avril 2012

THX 1138 : 1138 mercis


MAINSTREAM, MAIS PAS TROP
Sexe, bouffe digne de ce nom, pilosité, lucidité et pour résumer « humanité » ne sont plus qu'un lointain souvenir. Tout est contrôlé, mesuré, évalué, calibré, modéré, sous la coupe d'une police androïde aussi intelligente qu'un grille-pain à qui on aurait appris à mettre un pas devant l'autre.

Film de SF dystopique typique, qui évoque les Welles les plus connus ou Le meilleur des mondes.
MAIS la mise en scène tue la bite, et subjugue en VO quand la VF laisse septique... Si on reconnaît quelques éléments qui sonnent comme les prémices de Star Wars : son des motos qui fait penser aux pods de La Menace Fantôme, le tintement de la cloche n'est quand même pas le même.

Vachement plus mature (dans le sens désabusé et pas très enjôleur) et abouti esthétiquement, traitant tout à l'épure, pour laisser travailler l'imagination. InTRONisé avant le film de Disney, il en épouse la représentation spartiate allant à l'essentiel tout en empruntant une voie diamétralement opposée. Le blanc laiteux, liquide séminal ou amniotique dans lequel sont plongés les protagonistes fait autant penser à Matrix qu'aux plans d'introduction d'Alien 4.

« WORK MORE. BUY MORE. BE HAPPY ».
Dans le propos, il est revendicatif et dénonciateur, ralliant presque le cynisme mordant d'un film de Romero (Zombi), coupant à la serpe la société de consommation et la religion comme opium du peuple. Pas de geekeries superflues, tout est affaire de société néo-industrielle où les masses sont produites par et pour la production en masse.
Travailler plus pour gagner plus pour consommer plus, déjà vu non ? Le bonheur dans le travail, l'épanouissement de soi par la valeur marchande, autant de valeurs pré-68 dénoncées pendant les années 70, et qui résonnent à pleine turbine dans cette satire à peine dissimulée du capitalisme forcené.

Bref, les paroles sont éculées, mais ça fait toujours du bien de se faire administrer un message subliminal en contre-pied des mœurs bien-pensantes actuelles. Un peu de mauvaise foi et de pas mal de toupet pour (r)éveiller les consciences n'ont jamais fait de mal à personne... L'Etat ultra-patriarcal, si.  
7/10

jeudi 29 mars 2012

Festen : Un vrai régal


Visuellement, on n'est pas loin des confessions intimes d'un Tarnation. Et comme dans icelui, les névroses sont plaquées en plein jour, sans retenue. Dans la thématique des secrets de famille, aussi, on reconnaît une certaine parenté avec le Pardonnez-moi de Maiwenn, qui aurait eu tort de se priver de s'en inspirer plus que de raison.

A l'image, le luxe fasciste d'une élite bourgeoise contraste avec l'académisme-zéro de la réalisation. Que ce soit dans les angles à 45° ou les prises de vue improbables, beaucoup d'éléments concourent à feindre l'amateurisme dans ce cinéma de nouveau genre, ayant pour parti pris un certain réalisme cru, pour révéler l'âpre vérité. Dans les grandes lignes, de la comédie humaine, où se tirent dans les pattes des esprits enserrés, âmes accablées par les blessures suintant de la bile acide comme récidive du préjudice qu'ils ont subi.

Les manières de dénoncer la perversion porcine des magnats de la bienséance de façade font bien évidemment penser au Salo de Pasolini. Dans le cas présent, dans les mots uniquement, la face crade de l'être ne daignant pas accorder de scènes explicites. Pas de caca et de sexe chez ces Francs-Maçons de bonnes mœurs où le « bien » paraître est un mot d'ordre. Pari osé mais réussi que de faire tenir toute la tension dans le suggéré et le demi-mot, navigant à flux tendu sur un bateau ivre entre le non-dit et l'explosion verbale salvatrice.

En d'autres termes et pour faire court, c'est un choc filmique et narratif. Je m'étonnerai toujours de remarquer qu'à partir de rien (un simple repas de famille), il est possible de réunir autour d'une table toutes les qualités requises à la réalisation d'un (excellent) film. Des émotions, du rythme, de la fantaisie, de la malice, et finalement une merveilleuse mise en scène des secrets de famille qui aboutit à une mixture de Génie.  
9/10

jeudi 22 mars 2012

A Dangerous Method : Quelle prise de risque ?


Le problème c'est que pour être accessible à tous, les poncifs sont régurgités tels quels, pour donner un cachet intello au film : pulsions de vie et de mort, transfert, etc etc. Certes, le film n'aurait pas eu le temps de creuser l'art psychanalytique, et ce n'est pas le but d'un divertissement qui par définition doit divertir, mais le sentiment de rater une partie importante de ce qui nous est proposé est quand même terriblement dommage, surtout quand à côté des monts et merveilles que nous promettent la psychanalyse, on est réduit à retrouver une histoire d'amour contrariée, de plus, comme si on n'en avait pas encore assez de ce topos que la littérature déploie depuis des siècles et que le cinéma a cœur de creuser en long, en large et en travers en adaptant souvent ces mêmes romans.

Ce qui fait le plus mal c'est que le film manque véritablement de rythme : tout est empâté par une musique générique qui renforce le sentiment que la forme est lambda, générique, creuse. Aucune emphase pour ne rien faire déborder, si l'image n'était pas aussi claire et exfiltrée, on pourrait accroire à du Eastwood.

De plus, les profils de personnages sont malheureusement trop typés, faisant passer Freud pour un gros pervers pro-juiverie, alors que son comparse Viennois s'inscrit au fur et à mesure aux antipodes. Dans ce sens, l'affiche est très représentative d'une situation où les deux figures sont de part et d'autre, tandis qu'une femme trouble leurs relations plus ou moins directement.

En résumé, une mise en scène trop classique qui fait patauger le fond dans une sorte de brouillard où s'alternent les formes de réflexion importantes sur les méandres de la vie vis-à-vis de la psychanalyse. Malheureusement, ne pas avoir les clés pour fouiller l'ébauche de psychanalyse déployée à l'écran n'aide pas à comprendre l'intérêt d'un film qui conte la romance SM d'un docteur avec sa patiente.  
4/10

vendredi 16 mars 2012

Little Odessa : GTAilleurs


Transporté par une musique Pavlovienne qui me fait saliver, tirant la mise en scène vers le haut pour camoufler les nombreuses invraisemblances qui font toujours le charisme indéniable d'un type, d'une gueule, d'un personnage qui porte le film et l'amène à un stade supérieur, celui de la biographie d'un être unique, d'un destin sans pareil.

Icelui, c'est un tueur en série, un homme de main, un tueur à gages... Débarquant d'une famille Juive-Russe, il balance net à la figure, sans ambage, "Nico Bellic a tout tiré de moi". Car oui, tout est affaire de grand crime, grand banditisme, de mafia de petits pères des peuples. 

Et pourquoi ? Pour ce qui est presque un grand film intimiste, sur une personnalité de chien battu qui n'en finit plus de mordre en représailles, servi par un casting d'abonnés aux rôles similaires : du Reservoir Dogs par ci, du American History X par là... Des tranches de vie de malfrats ou de mauvais garçons qui sont tellement épais qu'on a parfois du mal à les imaginer hors de l'écran. Alors d'accord, c'est pas crédible, mais pourtant qu'est-ce que c'est bon... Qu'est-ce que le cinéma a de beau à magnifier des choses aussi abjectes que le meurtre de sang froid, les brimades et les frustrations de l'être, comme pour mieux les exorciser dans l'oeil du spectateur un brin perverti jusqu'à l'os. 

Du plaisir, à l'état brut, avec bien sûr une bonne dose de poésie naphtaline et tragique pour arroser la rasade et faire filer l'heure et demie comme une seconde.  
8/10


Take Shelter : C'est ce qu'on dira "être passé à côté"


C'est long, c'est lent, c'est terriblement moins bien que Bug (avec le même acteur mais pas le même génie), pas vraiment bien réalisé et trop prosaïque pour amener à cogiter. 

L'atmosphère développée alterne entre le prenant - desservie par une musique Ambient très réussie - et le gavant : l'abstraction de toute romance, toute poésie, tout habillage. Rêvez un peu, le temps de quelques scènes, puis rendez-vous compte que tout n'est qu'illusion. Une fois, deux fois, trois fois. Plusieurs fois, le réalisateur croit bon de faire se réveiller son protagoniste en sursaut, alors que le spectateur a compris le procédé, lourd, fastidieux, harassant. 
Avec la lassitude, vient alors le sentiment de se faire entourlouper par des scènes qui sans un thème musical de fond enivrant paraîtraient bien ternes.

La vie de cette homme touché par la fatalité génétique n'est pas bien trépidante, et ce ne sont pas ses hallucinations et délires qui transmettent le grand frisson, mais quelques écarts à la monotonie scénaristique qui font traîner un doux frisson sur la moelle épinière.

Avec lui, on s'ennuie, sans lui, aussi. L'immersion étant déjà difficile, comment faire quand un couple sénile avant l'âge bavarde à tue-tête à votre gauche, et qu'un malin un peu frénétique de la guibolle remue d'avant en arrière le siège, grinçant, sous ses pieds ?

Déçu déçu déçu. Aucune place à l'introspection et à l'originalité (un système de santé américain aux choux, une représentation des symptômes de la schizophrénie déjà vue). De la redite, sans beaucoup d'inventivité (spoil : le seul plan des "lucioles" s'échappant du sol, peut-être...). Pour dire, la seule chose que m'a permis ce film, c'est de repenser à l'interprétation que j'ai pu avoir de Melancholia. Du coup, je l'en remercie de m'offrir une notice pour la "concurrence".
3/10

lundi 16 janvier 2012

Reviens-moi : Aller, sans retour


Un thème musical principal omniprésent qui gâche le plaisir et un montage bien curieux où les flashbacks s'insèrent après qu'une même scène se soit déroulée. Exemple : deux amants copulent dans une bibliothèque et soudain une petite fille les surprend. On reste donc, dans cette scène, du côté du point de vue de la petite fille. Le temps que se déroule la scène, rebelotte, on se retrouve juste après à revoir la même scène, mais du côté des amants. 

Quel est l'intérêt de cette mise en scène ? Le plus intéressant aurait été d'insérer un plan sur la petite fille outrée entre deux ébats d'amants. Et ce n'est pas la seule lourdeur... Passée la première heure de film, on croit assister à une fin : celle de la guerre, des troubles et donc du retour à l'ordre, du happy end. Mais non ! On se coltine des scènes de vies pendant la guerre peu intéressantes où chacun vaque à ses occupations, isolés qu'ils sont tous, séparés par le chagrin, le tort et la peine causée. 

Ajoutez-y un flot de bons sentiments assez bien à propos mais trop répétitifs pour ne pas être agaçants (le fameux "come back, come back, come back to me" finira par vous faire éclater de rire) et une succession de scènes téléphonées pour venir à bout de votre patience. Le pire c'est qu'on n'oserait pas croire à nos propres hypothèses : ô presque jamais ne se réalise dans un film ce qu'on saurait prévoir, le réalisateur prenant soin de prendre la tangente pour révéler une situation qui ne paraîtrait pas commune. Mais là, non, faîtes votre pari à un instant T, et il se réalisera (3 coups sur 4) dans la minute. Une lettre est donnée à une gamine ? Bien sûr, elle va la lire ! Bingo !

Marre de cracher dans la soupe, du côté de la photographie, c'est plutôt niquel, voire très esthétique et "précieux" par moments. La lumière, tout particulièrement, gagne ses galons, et permet de tenir le coup, de suivre un scénario dont on croit déjà connaitre les moindres caractéristiques, jusqu'à un twist final ma foi plutôt bienvenue. Et c'est bien ce qui le sauve du naufrage, même si on lui reprochera peut-être son côté formel un peu trop éhonté, proche d'un "De l'eau pour les éléphants" par exemple. 



PS : Ah oui, j'allais oublier... J'ai l'impression de voir le même personnage hyper-émotif en la personne de Keira Knightley dans A Dangerous Method et ce film. Un même registre prêt à l'emploi ?
5/10

"Baby please, come back to me" lalalala...


Hugo Cabret : Cabré après avoir été caressé dans le sens du poil


Harry Potter ? Non, Hugo Cabret

Un background carte postale
Paris. Ses goguettes, ses épiceries, ses bérets (pas verts, oh que non)… Celui rêvé et fantasmé de tous les américains. Celui de l'avant-guerre (2nde), le vieillot, le rustique, le pittoresque. Au cinéma, dans les jeux vidéo, partout... Paris est resté bloqué à un « âge d'or » dans l'inconscient collectif. De Ratatouille à The Saboteur en passant par Amélie Poulain... Celui qui fleure bon le chamarré, l'huile de moteur, le jasmin et les épices. Un Paris des faubourgs, pas encore trop colossal, typique du triple A français, charmant, synthétisant le rural et l'urbain. Sa population, affable et accueillante, populaire, ses commerçants serviables, ses autochtones débonnaires, goguenards, pas encore touchés de plein fouet par le formatage industriel de la Grande Amérique, et bien sûr ses femmes soumises... Oh pardon.

Le Paris hivernal de Scorsese
Tâche 2 en 1 : plus blanc que blanc ?
Hugo Cabret, ou comment réaliser deux films en un. Comment introduire un hommage vibrant à Méliès sans pour autant réaliser un documentaire fondamentalement barbant, peu vendeur, et pas du tout « business ». Attendez donc de voir le tapis se dérouler, sous les pieds du petit Oliver Twist des quartiers chocs, endimanché d'une pelure pour braver la neige, les assauts du temps et du travail qui le crèvent. Préparez vos larmes, votre « âme d'enfant », pour vous émerveiller de situations de pacotille, d'allers-retours incessants pour creuser le background du Paris carte postale d'Amélie Poulain façon années 30, où l'amour donnera réponse à tout, de toute manière, et finalement rendez-vous compte qu'il ne se passe rien pendant une heure, jusqu'à la résolution de la première intrigue. Débute alors LE vrai film, celui pour quoi Scorsese a lancé la machine à vapeur, celui qui n'aurait pas été « bankable » en ces périodes de fêtes, de son amour pour Méliès, qui passe bien évidemment par l'intermédiaire d'un personnage, éminent professeur chercheur dans une non moins prestigieuse université parisienne... Et qui fait la connaissance des gosses des rues, et de leur amour immodéré et réciproque (bien que soudain), pour ce qui semble être la clé de la deuxième intrigue du film, lancée tambour battant.

Indice : le nom de ce type essayant de ne pas voir flou en regardant de la 3D commence par un M.
Vous reprendrez bien de la 3D ?
Je me disais bien que ça commençait mal, avec cet écran d'introduction placé en interstice, composé de lettres capitales grises et épaisses, servant à mettre en valeur la 3D, mais faisant monstrueusement film d'action de seconde zone... Parlons-en, justement, de la 3D. Gênante, encore une fois, elle ne met pas en valeur toutes les scènes, et donne la curieuse impression de voir des collages et aplats de papier sur un fond fixe, un peu comme dans un Paper Mario où les figures plates se superposent au décor. Reste que certains effets sont convaincants, comme la neige qui voltige, mais il subsiste (à mes yeux) toujours la désagréable impression de voir du leurre, du faux, et de ne pas vivre une expérience aussi « traumatisante » qu'a pu être la démocratisation du cinéma à l'époque. 
Je n'y vois finalement qu'un argument cosmétique pour augmenter le prix du billet, et qui par ses contraintes (les lunettes, les défauts visuels), finira inexorablement par disparaître, du moins dans sa forme actuelle, purement marketing. Il n'est pourtant pas dit qu'elle ne subirait pas d'évolution, pour devenir « instantanée », sans périphérique.

"Wesh, t'as vu cousin, j'suis trop chanmé et j'dégaine du Colgate au centième de seconde"
Le péril de vouloir trop bien faire
Des enfants stars, le cinéma en a enfanté des tas. Mais quand ces mêmes enfants ne se sentent pas assez propulsés, ils surjouent, en font trop, veulent se faire une place à prix d'or. C'est le cas de Chloe Moretz, qui colle 36 expressions à la seconde à sa carrière d'actrice. Horripilante, elle monopolise l'attention par ses singeries, quand son comparse Asa Butterfield (Hugo Cabret) se débrouille plutôt bien dans le registre « oh, je suis un pauvre petit sans racine, aidez-moi ! » vaillant et débrouillard.
Aussi, c'aurait été bien de prendre du plaisir à retrouver Sacha Baron Cohen dans un autre rôle que celui qu'il s'attribue trop souvent : le bouffon de service. En campant un chef de gare, il donne à voir une autre facette, moins fofolle, moins beauf, plus reluisante, mais toujours comique et burlesque, car on ne se refait pas. En voyant le film en VF, je n'ai pas profité de la subtilité de son phrasé, mais ai pu goûter à ses mimiques délicates et rigolodes de bout-en-train (c'est pas ma faute c'est celle de l'UGC). Et c'est fort bien, car le comique de geste est très présent, même s'il rime souvent avec répétition, de la partie de cache-cache à la course-poursuite, avec Hugo comme avec d'autres drilles sans domicile.

Train de face + 3D = "effet wow" ?
Conclusion : Une histoire d'amour cinématographique
Ce serait faire mentir le réalisateur d'omettre que tout part de la bonne intention de rendre hommage à Méliès, et plus largement, au cinéma des frères Lumière. En filant la métaphore de l'Arrivée du train en gare de la Ciotat pour la faire parvenir à la 3D d'aujourd'hui, Scorsese défend son bout de gras et alimente son argumentaire par un enrobage de film de Noël bien illusoire. Frelaté, même, j'aurais envie de dire, tant le backgroud scénaristique et contextuel fait gadget à côté de l'hommage tonitruant à l'inventeur du Voyage dans la Lune. Bilan des courses, il s'agit d'une mise en abyme panégyrique plutôt emballante si on omet la première partie du film, et qui permet surtout de rendre à César ce qui appartient à César. Plutôt qu'un film originellement conçu pour conter l'histoire émouvante (période de Noël oblige, il faut pleurer dans les chaumières) d'un orphelin à la découverte de ses origines, Hugo Cabret est donc l'expression de l'amour sans bornes d'un réalisateur pour un autre qui lui a non seulement donné une définition du cinéma admirable mais a également contribué à ce que Scorsese se fasse sa propre définition en embrassant la carrière de cinéaste.
4/10

1895 - 1930's : Un clin d'oeil à l'accident de la gare Montparnasse

dimanche 25 décembre 2011

Martyrs : "Mon nom est Christ, Jésus Christ, fils de..."


Première partie de vengeance ultra-violente. STOP. Deuxième partie bouche-trou. STOP. Pourquoi aller plus loin ? En deux temps trois mouvements j'ai résumé le grand problème de ce film qui ne gagne son nom qu'à travers des scènes rapiécées qui n'éclairent pas vraiment une histoire de vengeance bien classique, ma foi efficace, avec moult gore et violence, et caricaturalement mal joué.

Les actrices font vraiment second couteau, quoiqu'on en dise, et l'effort qui est investi dans la constitution de scènes choquantes ne sert pas un message plus profond, mais ne fait que réduire le film au rayon des usines à gore dégueulasses où les scènes chocs prennent le pas sur le soin accordé à la direction d'acteurs. Heureusement mieux réalisé qu'un Saw clipesque et teenager, il manque quand même cruellement de portée. Assister à des scènes de passage à tabac pendant une demie-heure pour combler le vide, ça pourrait installer un malaise, certes, mais c'est surtout très chiant, la démarche étant identifiée au bout de 5 minutes... Pour ça, il suffit de voir comment V pour Vendetta fait pour suggérer la torture, ça suffit amplement... Mais là, non, bien sûr, il faut faire de l'esclandre visuelle, pour imprimer dans la tête du spectateur la violence du monde actuel. Mouais...

L'apologie de la vengeance, au premier degré.
L'anti film de vengeance, au second degré.













C'est toujours un temps qui ne sera pas utilisé à développer une narration qui tient sur un timbre poste. Voir le réalisateur s'exprimer en interview sur la brutalité du monde est absurde et hors-sujet. Il ne réussit qu'à transmettre le curieux sentiment qu'il a conçu une explication à son film après s'être rendu compte qu'il avait accouché d'un monstre défiguré.
La seule véritable interprétation primaire qu'on peut en tirer c'est que les méchants blonds caucasiens martyrisent (c'est le cas de le dire) les minorités visibles de la France (« chinoise » et « arabe »). Là, d'accord, on peut aisément comprendre la démarche du réalisateur, même si elle est horriblement grossière et grotesque. Dans la débauche de macabre et de couleuvres, on n'est d'ailleurs pas loin d'un Hostel, lui aussi jouant dans la cour fermée des films à deux balles.

La voix de l'au-delà
Dans une débauche d'effets visuels traumatiques ultra-sérieux à peine imaginables, le moindre écart sensiblement caustique fait tout de suite emprunter au film une mauvaise route. Entendez le seul pseudonyme de « Mademoiselle » pour désigner l'oracle de Matrix enturbannée (bah oui, ça fait tellement plus mystique) et succombez au doux rire intérieur. Ajoutez-y les quelques élans d'accent canadien, la machination d'organisation secrète qui réalise des expériences que les nazis n'auraient pas renié, tout ça au sous-sol d'une maison excentrée aisément retrouvable en cherchant un peu. Car oui, la première héroïne a réussi à retrouver la maison de sa geôlière grâce à un simple article publié dans un journal, vantant les exploits athlétiques de la petite fille de la famille. C'est ce genre de détails tellement gros, accompagné d'un cachet « je montre tout, tout, tout, vous saurez tout » qui font perdre l'envie de croire en la bonne intention d'un réalisateur qui par contraste prend sa mise en scène très au sérieux. Ce décalage produit très vite un résultat grotesque, à l'image d'une fin terriblement mal à propos. « Bon... Comment foutre une dernière mandale au spectateur ? Ah oui je sais ! Le truc auquel j'ai pensé quand j'avais 17 ans et que j'en voulais au monde entier ! La cohérence, la peur du ridicule ? Bah on s'en fout, Mad Movies appréciera ! Et puis, de toute manière, c'est la société qui est contre moi ! ».

Alors, qu'en reste-t-il ? Un film esthétiquement "beau" car tourné avec de bons moyens, proprement réalisé (un comble), choquant parce que foncièrement malsain et abject, mais dans le fond terriblement vain... Si peu figuratif d'un malaise social que les scènes insoutenables ne font rien d'autre que justifier leur propre fin gratuite. Le réalisateur avait peut-être en lui une conception plus précise et personnelle de ce qu'il voulait signifier à travers ces scènes, malheureusement le courant a bien du mal à passer... Que quelqu'un me donne alors la carte pour me repérer dans ces contrées vides de sens... Oh, Romero, mon doux Romero, où es-tu passé ?
4/10

C'est une pub ? Nan, c'est un teen-movie.

vendredi 23 décembre 2011

We Need To Talk About Kevin : Machiavel, l'enfant roi


Le montage, saccadé, bringuebalant d'avant en arrière, tirant le spectateur de part et d'autre d'une vie de mère, mène le spectateur par le bout du nez pour le faire tourner en bourrique. Car l'effet de style cache difficilement un manque de rythme et de scénarisation propre et consistante qui se font tous deux réellement sentir. Goûter du cynisme de ce mioche diabolique est vraiment jouissif, le voir faire ses conneries juvéniles jusque dans l'adolescence m'évoque les films d'Haneke, Funny Games surtout, en tapant un peu dans le sillon du sentiment de culpabilité chez l'Homme.

Un petit démon avec sa mère, un ange avec son père, sans même savoir pourquoi, sûrement parce qu'elle est damnée ; ou serait-ce une allégorie de la tyrannie masculine sur le « sexe faible » ? Le père serait alors le compagnon idéal, car comme chacun le sait, le meilleur moyen d'anéantir son ennemi, c'est de l'attirer dans ses rangs. Chose faite, la mère peut vivre un enfer pendant que son mari n'y voit que du feu.

En quelques lignes, j'ai raconté tout le pitch du film, qui compte sur ça pour nous faire tenir en haleine pendant plus d'une heure et demie. Il est alors plus facile de comprendre qu'il s'agit d'une blague. D'une comédie d'un nouveau genre forgée au 36ème degré, ne faisant certes pas vraiment rire, mais jouant surtout sur le décalage entre la bienséance et ce que se permet ce petit bout pas très bien élevé. Ca pourrait choquer, c'est surtout tellement décalé qu'il est difficile d'y croire. Disons qu'il s'agit d'une blague à effet prospectif. C'est une fois sorti de la salle qu'on peut se fendre d'un rire ducal, un peu encroûté d'un arrière-goût pâteux.

Seulement ces moments de remise en cause de l'ordre et de petit majeur brandi contre la morale ne font pas tout, et on se languit de voir le bout d'une histoire dont on connaît déjà les aboutissants dès les premières minutes du film... A moins que vous n'ayez rien vu/lu/entendu à propos du film ; mais bon, même sans ça, ça se devine...

Reste que l'ambiance est assez fouillée pour qu'on puisse le ranger dans la catégorie des films « bizarres » et expérimentaux qui méritent d'être revus, avec pas mal de plans bien sentis, des abstractions à foison, et une manière de raconter, décousue certes, mais à part.
6/10

mercredi 14 décembre 2011

Shame : It's a...


Shame. Après La Piel que Habito qui le précède de quelques semaines, encore un film qui pose la psychologie humaine sur l'échiquier du cinéaste pour faire l'étude d'un spécimen bien particulier, satyr des temps modernes, et qui par sa figure archétypale s'avère pourtant si commun, si répandu, qu'il renvoie au spectateur sa propre image, blême, avilie, meurtrie. Dégradée, de fil en aiguille, pour recoudre les morceaux de tissu d'une enfance en lambeaux... mais stop, je n'en dirai pas plus.

A vrai dire, ce sont des thèmes connus et reconnus, bien sûr, servis par des manifestations explicites du mal-être, de l'absence d'estime de soi, de profonde vacuité d'âme. Tout cela, ce n'est que pour mieux amener un signifié porté à bout de bras par un signifiant faisant ressortir une sorte d'essentialisme cinématographique, reprenant l'expressivité primitive du cinéma muet en l'encadrant de longues phrases musicales dirigistes... qui ont leur revers, certes, à l'instar de la scène d'entrée des regards croisés dans une rame de métro, presque trop « habillée », dès l'accroche, sans raison apparente, comme si le but était de former une boucle avec le dénouement.

La beauté de la réalisation est troublante, terriblement efficace pour dénoter ce que l'on veut bien y trouver, une fois le sens primaire du scénario acquis. Si bien que les « orgies du pauvre » sont ostensiblement sexuées, mais ne sont pas fondamentalement racoleuses, tout juste purement dérangeantes, affreusement belles. Érotiques, mais pas érogènes, elles sont l'écho sourd des ombres de monades urbains qui se frôlent sans s'envisager, se parler, se connaître, et qui un court instant partagé, fatalement monnayé, au-delà de l'interface d'une séduction par les mots, se rassasient, pour combler une faim récurrente et inextinguible.
Ces scènes de sexe, en ce qu'elles ont de vrai, de cru, ont toujours tendance à me mettre mal à l'aise. Je ne suis à coup sûr pas le seul dans ce cas, et c'est bien là tout l'intérêt d'un film qui doit mettre à mal nos inhibitions pour susciter l'inconfort puis le dégoût pour choquer, déboussoler, inciter à la réflexion pendant de longues scènes contemplatives, aux confins d'un « 2001du cul », souvent tellement esthétiques qu'elles accentuent notre sentiment de culpabilité... et donc de honte.

En soi, bien mal serait d'avoir totalement honte, car ce sentiment purement social, manœuvré, orchestré par un habitus qui dicte les conduites correctes, n'est pas même respecté des plus puissants, détenteurs de la morale, ou du moins en surface, le temps d'un discours édifiant, démontrant une nouvelle fois la fatuité des mots.

Si des situations peuvent prêter à sourire dans cette partie de chasse, c'est parce qu'une situation psychique extrême appelle conséquemment une emphase de la mise en scène qui me ferait presque honteusement penser à Requiem For A Dream. L'impasse dans laquelle se trouve le sujet place l'absurde au centre du drame, appuyé par la compagnie de sa sœur qui produit un viol de l'intimité et par conséquent une rupture entre son monde intérieur et le monde extérieur.
Et au fond, si l'on peut paraître si cynique, c'est surtout pour se prémunir d'assauts impudiques au moyen du rempart de la moquerie et de la distanciation, comme dénonciation arbitraire du vraisemblable. Heureusement, le cinéma d'auteur fait ses preuves, rigoureusement détaché du documentaire, travaillé au corps et à l'âme, pour exprimer une réalité de l'être peut-être trop démonstrative, mais tellement persuasive...

Aussi, ce que l'on peut voir comme des longueurs n'en sont pas pour moi. Un film plus rapide n'aurait laissé le temps de se dire les choses qu'à demi-mot, de se parler, et de se masturber - comme diraient les mauvaises langues - que de manière superficielle, sans jouir d'une interprétation creusée. Être avec soi, en soi, ne pas sortir de soi, se répandre un instant au dehors, puis retourner en soi. Fixer les traits de Fassbender, capter des bribes de pensées, d'humeur, toutes subjectives, pour la plupart certainement fausses... Puis s'approprier l'autre, pour redevenir soi, et gagner en épaisseur.

Après Hunger, la Faim, Mc Queen (numéro 2) ajoute un nouveau péché capital à ses commandements, la Honte, pour frapper un grand coup et imposer sa vision prophétique du cinéma, sans atteindre le prêchi-prêcha messianique et subrepticement racoleur de Malick dans The Tree Of Life. Est-il temps que le cinéma se mette à nu pour exacerber les courbes d'Eve et d'Adam ? Serait-ce enfin le signe d'un entrebâillement de la maturité du cinéma américain départi de l'emprise d'Hollywood ? Shortbus aura pu ouvrir la voie, d'autres auront su s'en servir bien plus adroitement. Une bonne appréciation du film, un grand coup pour l'expérience.
Vous savez, ce genre de phrases, « vous n'en sortirez pas indemne », « c'est le genre de film qui ne laisse pas indifférent », vous les entendrez, dans votre tête, dans votre entourage... Et une fois la piqûre de xanax administrée, et sans doute avec beaucoup d'empressement à l'autopersuasion, vous comprendrez pourquoi.
8/10

mercredi 7 décembre 2011

Bad Lieutenant : "You know I'm bad, I'm bad, really really bad..."


Aujourd'hui, Bad Lieutenant ne choque plus pour les mêmes raisons qu'à l'époque. Le politiquement incorrect qu'il faisait suinter dans le sillage de Taxi Driver n'a plus vraiment lieu d'être à l'heure actuelle. Si on est dérangé, ce n'est pas tant pour les scènes criminelles impudiques qu'on préfère habituellement nous cacher, que parce qu'on a de l'empathie pour ce représentant de la loi « libéral » qui s'enfonce peu à peu dans la mélasse sans pouvoir s'en dépêtrer.

La figure intemporelle tragique de la chute d'un homme en son corps et âme fonctionne toujours aussi bien. On y voit un ripoux camé du soir au matin, du matin au soir, sans jovialité, sans vie, traînant sa carcasse, laissée vacante à l'écran sans qu'on sache qu'elle a été la berline qui occupait précédemment le garage du poulailler. C'est sans compter sur la religion catholique qui vient mettre son nez dans le merdier des rues sales pour aider à sortir du ghetto mental l'âme en perdition.

Vous l'aurez compris en lisant entre les lignes, le pitch est bon du début à la fin, et c'est tant mieux. La réalisation mange également aux bons râteliers, pour passer progressivement de la loi de la jungle à l'ennui urbain le plus total. Le procédé fonctionne si bien qu'on prend peur de ne pas capter le sens crucial des cinq dernières minutes. Sûrement parce qu'il n'y en a plus dans le quotidien criblé de balles du flic à la démarche vacillante. C'est là que la mise en scène prend donc plus de place et d'ampleur, pour faire part de la neurasthénie de ce type au bout du rouleau, prêt à rendre tout, la bile comme les armes. D'un rien pouilleux, ça devient beau, innocent, et gracieux.

En retournant sa veste, il avait le choix entre embrasser les pieds de la croix ou la bouche d'un M-16, et je vous laisse le luxe de découvrir ce qu'il adviendra de sa peau flasque et bouffie.  
8/10

Il Divo : Wolf In The Throne Room


Une mise en scène magistrale, moderne et dynamique qui confine parfois au génie. Le travelling rotatif immerge totalement dans un film où on glisse, parfois en vue subjective – et donc dans la peau d'un personnage - à travers les décors animés par C'est un régal de voir Andreotti se liquéfier au fur et à mesure derrière son masque de plomb. Sa face rabougrie de Yoda Quasimodo laisse parfois pénétrer quelques raies expressifs à travers le blême. C'est dans la parcimonie que passe la moindre émotion sur ce bloc de pierre au cœur de choux. La performance d'acteur de Toni Servillo est donc à souligner, car jouer un personnage à l'économie est presque aussi difficile que camper un hyperactif grabataire.

Les tenants et aboutissants des accusations menées contre Andreotti filent à toute vitesse, si bien qu'il est préférable de se munir de son calepin pour noter tous les acteurs de la mascarade et ne pas perdre le fil de péripéties variées qui cèdent assez peu de terrain à l'ennui. Quand pourrait poindre le réquisitoire à charge sérénissime contre un homme politique, débarque un éclair loufoque qui fait penser que si la mise en scène est aussi débridée, c'est aussi grâce à un parti pris du grotesque qui force le respect, tant il s'insère parfaitement dans le speech politique qui gagne en impact. La scène de confession d'Andreotti face à la caméra, seul au milieu de son salon, est impressionnante de puissance émotive, et fait véritablement passer un grand moment de cinéma.

Globalement, les nombreuses astuces de réalisation parviennent à activer le « suspension of disbelief » pour un temps, et ce n'est pas exagérer que dire que la réalisation sauve le film du naufrage activé par une propension à se lover dans la farce de personnages typés au grotesque sur lesquels les traits se tirent à l'infini jusqu'à toucher au folklore d'un Reservoir Dogs.
7/10

La solitude des nombres premiers : A l'ombre de ton nombre


A peine installé, la scène d'intro défrise, d'un kitsch baroque comme seuls les Italiens, voire les grecques, peuvent en faire ; si on oublie les méfaits de Carpenter.

La suite des hostilités expose un montage qui paraît complètement foutraque, alors qu'il s'avère finalement dingue de précision. En effet, faire s'imbriquer pêle-mêle les trois périodes d'une vie (l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte) est déstabilisant, mais est en fin de compte un redoutable (ou fallacieux ?) procédé... Puisqu'on est la plupart du temps perdu. A ne pas avoir l'oreille Italienne, on en oublie vite les prénoms, et ce n'est pas la forte ressemblance entre la sœur du protagoniste, alors gamine, et sa copine à l'adolescence qui y remédieront. C'est un jeu, le cinéaste souhaite perdre le spectateur, ou, au choix, lui coller la nausée.

Globalement, le metteur en scène s'en donne à cœur joie, et c'est communicatif. Beaucoup de plans fourmillent d'idées, que ce soit en terme de cadrage, d'habillage sonore constant, ou tout simplement de décalage de ton entre ce qui est montré et ce qu'on entend. Pour l'ambiance de certains plans, on n'est pas loin d'un Lynch, et on fait un grand bond dans le passé lorsqu'il s'agit d'entendre les inquiétantes mélodies comme Hitchcock savait les dessiner.

Dans la forme, c'est malsain, et dans le fond, ça l'est de manière plus visible. Les situations font une fixette sur le scabreux, l'extraordinaire et la noirceur de l'âme humaine, si bien qu'on croit vite à la thèse du conte sombre et très pessimiste sur la condition humaine, de l'origine à son salut.

La dernière demie-heure est plus décevante, moins exubérante et plus prévisible. Elle est « rangée », peut-on dire, comme ces deux « nombres premiers » qui resteront malgré eux isolés mais qui pour un temps se retrouvent et se réunissent.

Beau, il appartient à la cour des films « coup de poing », qui dérangent, puis choquent. Dans ce sens, il m'a rapidement fait penser à notre Gaspar Noé national : Seul Contre Tous, mais surtout Irréversible. L'ultra-violence autodestructive, latente, évoque un Orange mécanique de la dissimulation.

La solitude des nombres premiers n'est pas un film d'auteur, mais une adaptation que j'imagine libre (sans avoir lu le livre) et donc réussie ; assez en tout cas pour que les infidélités soient gommés par l'essai cinématographique. Et si en plus Mike Patton, celui qu'on connaît pour Faith No More, Mr Bungle et Fantômas, est aux manettes de la BO... Que demander de plus ? Ce que je sais, c'est que ça donne sacrément envie d'en (sa)voir plus au sujet du réalisateur.
7/10

mardi 6 décembre 2011

De l'eau tiède sous un pont rouge : La Fontaine, je boirai de ton eau

Le sujet de départ est incroyablement cru et risible. Pourtant, malgré son côté crade, le film d'Imamura est indéniablement poétique. Je dirais même plus : sa manière de représenter la passion amoureuse est inouïe, que ce soit en termes d'amours naissantes ou de celles en voie d'extinction.

Au diapason, l'ambiance développée par la réalisation contribue à rendre l'expérience suave et paisible. Toutefois, la mise en scène évolue étrangement. Tant est si bien qu'elle est parfois hallucinée, sans vraiment en connaître la justification, au point de totalement dépareiller avec le point de vue classique du cinéma Japonais qui domine le film. Malgré tout, l'esprit général demeure déluré et loufoque, tant le sujet paraît dès le départ incongru. Et c'est justement en cela que réside la prouesse du réalisateur, en cette capacité de transformer la laideur débile d'une femme fontaine ne pouvant contrôler ses « flux » en une fable d'une beauté rare sur les rapports humains.

A rebours, avec du temps et du recul, le film appartient finalement à la catégorie de ceux dont on se souvient plus pour leurs scènes « chocs » et inédites que pour leur propos sous-jacent, ici caractérisé par une histoire d'amour peu banale appuyée par un humour bonhomme et jovial omniprésents.
7/10


L'Ordre et la Morale : En désordre


Premier point le plus dérangeant, l'interprétation trop maladroite est dominée par l'école théâtrale française traditionnelle, et donne l'impression d'avoir en face de nous de vrais militaires intimidés par la caméra et qui du coup en font des tonnes.
Dans ce registre, Kassovitz n'est pas juste et contribue à rendre de nombreuses scènes qui devraient être dramatiques... comiques. Quand on sait qu'il prend les ¾ de l'écran, devoir supporter sa voix déclamant sans charisme des lignes de dialogue, au premier comme au second plan (voix-off), peut être lassant. En parlant de voix, celle de Jean-Philippe Puymartin, doubleur de Woody dans la « vraie vie », est troublante un petit laps de temps car elle en dénote un personnage autrement plus sympathique et joviale que la tonalité martiale qui incombe à un gradé.

Au rayon des déceptions, commencer par la fin en est une belle. A l'instar d'un Mesrine, le procédé grille tout le suspens et l'intensité d'une scène finale qui devrait être haletante, « in your face », caméra à l'épaule et mouvements saccadés pour reproduire les tumultes de la bataille.
Cette dernière, et quelques autres scènes qui se comptent sur les doigts d'une main, proposent beaucoup d'éléments de mise en scène intéressants qui correspondent aux « pattern » du jeu vidéo : narration introduisant le présent des narrateurs dans le passé, balles illuminées qui fusent dans les assauts...

Si le film peut avoir un minimum d'intérêt, c'est par sa dimension historique, en se faisant l'écho d'une tragédie qui n'a pas eu assez de porte-voix, et d'une lutte qui est toujours en cours en Nouvelle-Calédonie.
D'ailleurs, sa dénonciation des injustices s'inscrit dans une démarche parfois similaire à celle de Platoon, en premier lieu, et de La ligne rouge, dans une moindre mesure. La scène d'intro fait à ce titre sacrément penser à ce dernier, alors que les intrigues politiques qui meuvent l'histoire sont plus identifiables à Platoon. La différenciation des deux partis français et kanaks passe d'ailleurs par un distingo nature/culture que ne renierait pas Malick. Grosso modo, la culture française veut écraser les traditions des « gentils » kanaks.
Autre détail, les fondues au noir brutales surmontées d'un item sonore peuvent rappeler ce qu'a produit Gaspar Noé dans Seul Contre Tous. Celles-ci accompagnent le décompte des jours, au nombre de 8. Imaginez donc voir au bout de chaque « chapitre » le même écran « J-07 », « J-06 », suivi, souvent, d'une mise en contexte digne d'une série militaro-SF style Stargate avec une ligne de texte en police « top secrète », comme on peut le voir dans Splinter Cell, par exemple.

Âpre, rigide, la mise en scène sert une narration qui déploie une violence latente, parfois mise en relief par des « coups de pression » où tout le monde se met à aboyer à tue-tête, que ce soit du côté des militaires, meuglant chacun son tour, ou des kanaks, qui s'en donnent à cœur joie dans une cacophonie anarchique.
D'ailleurs, parlons-en, de l'intelligibilité. Liée à la qualité (ou plutôt à son absence) du jeu d'acteurs, elle est ruinée par une déclamation où les mots se perdent, mangés, voire gobés. Le meilleur exemple est le supérieur du personnage de Kassovitz. Les kanaks, avec leur accent caractéristique, ne rendent pas non plus la tâche facile. Heureusement, ce ne sont pas les rôles les plus importants qui doivent pâtir d'une prise de parole javanaise. Leur chef parle bien la métropole, puisqu'on nous précise bien que c'est « un homme d'esprit », après tout...
Ce n'est pas le seul renseignement inutile qu'on nous donne, de trop. Certaines répliques auraient mérité de passer à la trappe, comme le « ça sonne » de Kasso en tendant le combiné du téléphone à son ami indépendantiste ; mais ça, c'est qu'un détail, après tout... Juste que ça contribue à agacer à côté de trucs plus énervants. Un autre exemple : quel poids donner à certains rôles plus que secondaires ? Perdu dans la masse, figurant du second rôle, je me demande encore à quoi sert Augustin Legrand dans ce qui ressemble parfois à une mascarade de bons potes qui ont pactisé au détour d'une soirée.

Au final, la bofitude m'emporte, pensant que je ne peux plus compter sur Kassovitz pour obtenir ce que j'attendais de lui, un bon divertissement à la fois instructif et bien foutu.
5/10

mercredi 30 novembre 2011

Fucking Mathieu Kassovitz : Le théorème de Mathieu



Un documentaire intéressant qui permet surtout à Mathieu Kassovitz de redorer son blason avant la sortie en salles de son nouveau film : l'ordre et la morale. On y apprend qu'il n'a pas foiré Babylon AD parce qu'il est un mauvais réal, mais parce que Vin Diesel est un gros connard égocentrique qui n'en fait qu'à sa tête et ne veut pas être dirigé, que la Fox pète dans la soie et ne respecte pas les prérogatives d'un frenchie débarquant dans la cour des miracles, que la malchance a parfois fait des siennes, et que le budget avait la peau sur les os. Au fond, il le dit lui-même, Kassovitz n'est « ni Steven Spielberg, ni Orson Welles », il est « fucking Matthew Kassovitz ». Les moments les plus désespérants et stressants pour lui mettent mal à l'aise, et on est bien heureux de ne pas être à sa place. On s'amuse avec lui quand il fait mine de relâcher la tension, et on en ressort instruit sans être entièrement tourneboulé par ces mésaventures de tournage chaotique.
6/10

Alive : Dead Poetry


Scénario inspiré de Saw, mixé au fantastique d'un Alien croisé au folklore de Stargate et à la paranoïa ambiante, véritable pandémie mondiale issue d'un virus inconnu : la modernité ? Ajoutez-y quelques bonnes paires de fesses à la Gantz, avec moins de gonflette dans les pare-chocs, un héros baroudeur à gros muscles aussi mal dégrossi que son langage, plus un minet malin à qui le destin a joué de sacrés tours, et pas de magie (L de Death Note, je te salue), secouez, secouez, agitez bien fort, et hop : he's Alive !

Alors oui on ne tient pas le manga mature par excellence... Pas encore dans ce Seinen de plus, qui brille surtout par le style graphique, plus que le design somme toute générique, que l'on tient de Takahashi, mangaka bien proche d'un autre Tsutomu : Nihei.

Ca part mal, pourtant la psychologie se fait sentir, et l'on aime à pénétrer la caboche de ces prédateurs à distinctions variables. C'est à peu près le seul élément remarquable qui se distingue du lot, à cause d'une intrigue trop convenue, du manque de lisibilité dont il pêche parfois durant les scènes de remue-ménage (comme on a l'habitude de le constater dans les seinen à castagne), mais surtout de la traduction qui avec ses quelques erreurs de grammaire n'aide pas à atténuer le caractère caricatural de cette quête de la justice et de l'amour perdu. Une bonne petite lecture vite enfilée, sans plus.
5/10

dimanche 27 novembre 2011

Treize jours : Une éternité ?


Film hollywoodien politique et historique, 13 jours traite d'un sujet dont le gouvernement américain préférerait se passer : la situation d'instabilité entre l'URSS et les US pendant la guerre froide, au moment où les premiers ont voulu positionner leur force dissuasive à Cuba comme les Américains l'ont fait en Turquie.

Dans la pratique, les travers du film hollywoodien sont là : musique à tendance patriotique avec soulignement des moments les plus importants, rendu « années 90 » acceptable pour un film du début des années 2000... mais là où le bât blesse le plus, c'est dans la réalisation au bord du clip, du spot TV, où le moindre petit mouvement de rien du tout est amplifié sans aucune raison.

L'intrigue peine à prendre de la vitesse ? Pas de problème, on fera de gros plans brusques sur des éléments insignifiants, comme un verre posé avec emportement, pour redynamiser le tout et donner l'impression qu'il se passe des choses. Heureusement, la deuxième partie de film, réellement tournée vers l'action, s’accommode davantage de cette réalisation saccadée plutôt douteuse.

De même, j'ai du mal à comprendre ces scènes en noir et blanc, qui ne représentent même pas des flash-backs mais juste des événements hors-champ, plus officieux et déplacés du « tumulte » de la maison blanche.

Cette même deuxième partie fait preuve de plus d'intelligence dans les dialogues, démontrant que les situations de crise intra et extra-nationales sont difficiles à gérer humainement et collectivement. De l'intelligence, certes, mais pas assez de diversité en dehors des joutes verbales pour éviter de m'ennuyer. Les plans s'enchaînent à un rythme soutenu pour respecter le temps imparti, mais j'aurais peut-être apprécié, et sûrement eu besoin, de quelques moments de pause et de poésie d'auteur pour respirer un bon coup et prendre du recul vis-à-vis de ce climat tendu qui a certainement le mérite de retenir l'attention quand le suspens est à son comble.
5/10

mercredi 23 novembre 2011

5 centimètres par seconde : Le temps d'un film


Pour la chute des pétales, ou que ce soit pour le nombre de kilomètres parcourus par un camion vers la station d'amorçage, le temps s'arrête et les corps s'abandonnent à l'esprit pour laisser libre cours à l'épanchement des sentiments, refoulés, contenus, emprisonnés par des principes d'éducation et de morale.

Le film de Shinkai se donne pour objectif de retracer le parcours psychologique de jeunes en quête d'âme sœur, à travers des portraits classiques reformant par exemple l'essence du triangle amoureux. L'universalité, c'est ce que tente de toucher l'auteur du scénario, en privilégiant une certaine fidélité à la naissance du sentiment amoureux chez un être humain, avec ce qu'elle implique de pureté, d'illusions, d'espoirs, mais aussi et surtout de retenue, de difficulté à se donner à l'autre (une mise en exergue de la soi-disant timidité des japonais ?) ; plutôt que l'innovation dans la divergence, la marginalité. Choix acceptable, mais qui du coup ne le démarque en rien de la masse de films à l'eau de rose, grouillant de bons sentiments, et qui ne se distinguent que par un caché défini par leur provenance.

Visuellement superbe, il joue beaucoup sur le clair-obscur, la saturation des couleurs en contraste, ou tout bonnement la surcharge de détails (le ciel étoilé avec des aurores boréales) pour conférer un aspect riche et vivant aux environnement créés.

La succession des plans se fait ponctuellement de manière saccadée, empressée, donnant un aspect de bande-annonce à un film qui fait dans la rapidité, ne serait-ce que par son format court. Les dernières minutes illustrent parfaitement cela. D'un autre côté, le film se donne aussi les moyens de jouer la carte de la poésie, concept un peu surfait dans le genre romantique, surtout lorsqu'il s'agit d'un film du pays du soleil levant, certes. Pourtant, pas d'autre qualificatif que celui-là pour désigner une œuvre mise en relief par l'entremêlement de la narration et d'une mise en scène essentiellement basée sur la technique numérique.

Le son est aussi un point fort du film. Certaines scènes dévoilent un spectre large d'éléments sonores, avant de brutalement se retirer au profit du silence le plus accablant. Souvent pour souligner un événement anodin, ce procédé permet d'insuffler une nouvelle dose de poésie à travers l'inattendu, l'inouï.

L'animation, enfin, permet de mettre une distance et de prendre ces histoires d'amour pour des contes oniriques, confinés à l'imagination idyllique, image chimérique et quelque-peu stéréotypée de l'amour, sous toutes ses formes. Ainsi, on se permet de rêver au lieu d'être réfractaire à un contenu peu engageant pour un film photoréaliste.

Evidemment, en y réfléchissant bien, on n'échappe pas au sentimentalisme nippon facilement appréhensible, ni aux « japoniaiseries » souvent décriées, mais la sincérité et le cœur à l'ouvrage empêchent de s'adonner à la méchanceté et au cynisme, mais donnent plutôt envie de s'abandonner et de devenir fleur bleue. Pas sûr que la formule aurait marché avec un enrobage occidental, mais après tout, regagner un peu de son innocence ne fait jamais de mal, surtout quand le paysage est aussi beau.
7/10


lundi 21 novembre 2011

Une trop bruyante solitude : Presse-papiers à peste silence


Dommage que le supposé dessin torturé soit factice : derrière les traits courbés en paquets anarchiques se cache un photoréalisme déconcertant. Une vue sur une terrasse : un verre de coca et sa bouteille, dans des proportions parfaites, presque identiques à une photo. Un balayeur en gilet fluo et casquette, à peine gommé par les filtres noirauds qui emportent le tout.

Dans mon imaginaire, le monde noir décrit dans l'asservissement par le quotidien devrait être déformé, conforme à l'idée que je me fais de la perception d'un type qui dit avoir noyé 35 ans de dur labeur au cul d'un presse-papier dans la bière, au point de pouvoir en remplir une « piscine olympique ». J'aurais plutôt vu une réalité à peine déformée, à tendance expressionniste, un intermédiaire entre la réalité couleur charbon de ces planches et le conte enfantin cauchemardesque de Faust (d'Ambre aussi), par exemple.

Il faut donc apprécier de voir briller du vernis « Pure white gloss » derrière la couche de crasse pas très ragoutante. A dire vrai, on est plutôt face à un spécimen de Van Gogh du bicolore, marqué du sceau de l'impressionnisme, faisant perler les gouttes de pluie incrustées au dessin comme des grains de riz, pour donner du détail et du mouvement et amenuiser l'épaisseur du trait fuligineux.

Point noir, la finition laisse à désirer. Une case a particulièrement retenu mon attention. Le bandeau narratif prévu en bas de case a été reporté sur la suivante, avec les stigmates visibles des lettres sans l'apport du fond blanc qui permet l'accès aux inscriptions.

Au moins, cela rappelle que ce genre de BD est avant tout l'œuvre de passionnés qui veulent faire progresser le Neuvième Art en proposant une passerelle vers le roman, biographique, décadent et allez, disons, « nihiliste ». L'amour des livres est transmis avec une force de persuasion que peu de BD sont capables de reproduire. En faisant de la lecture une source de vie pour le protagoniste abonné à la misère, la transmission de la nécessité de goûter aux lettres est sincère, en tout point, même si on peut lui reprocher d'user de grosses ficelles simples à tendre dans les one-shot. Une autre génération que ces jeunes, par exemple, qui raillent le vieux à qui ils ont ravi la place. Un acte militant que lire, quand l'argent envahit tout, et détruit tout. Un choix de vie que la pauvreté pour garder une âme humble, mais cultivée.

Le manque de renouvellement des répliques et des situations pourrait agacer, mais tout est fait pour installer le lecteur dans la même démarche que la gueule sale que l'on suit du regard, pour nous confiner à un état de douce somnolence, d'abrutissement par l'ivresse de mouvements de mots répétitifs. Ça sonne sûrement faux et galvaudé de dire ça, mais alors que l'on sait déjà à quoi l'on goûte, on ressort abasourdi mais grandi de cette expérience, de cette nouvelle histoire de vie chienne, abandonnée par la destinée et roulée dans la farine animale.  
6/10