Premier
point le plus dérangeant, l'interprétation trop maladroite est
dominée par l'école théâtrale française traditionnelle, et donne
l'impression d'avoir en face de nous de vrais militaires intimidés
par la caméra et qui du coup en font des tonnes.
Dans
ce registre, Kassovitz n'est pas juste et contribue à rendre de
nombreuses scènes qui devraient être dramatiques... comiques. Quand
on sait qu'il prend les ¾ de l'écran, devoir supporter sa voix
déclamant sans charisme des lignes de dialogue, au premier comme au
second plan (voix-off), peut être lassant. En parlant de voix, celle
de Jean-Philippe Puymartin,
doubleur de Woody dans la « vraie vie », est troublante
un petit laps de temps car elle en dénote un personnage autrement
plus sympathique et joviale que la tonalité martiale qui incombe à
un gradé.
Au
rayon des déceptions, commencer par la fin en est une belle. A
l'instar d'un Mesrine, le
procédé grille tout le suspens et l'intensité d'une scène
finale qui devrait être haletante, « in your face »,
caméra à l'épaule et mouvements saccadés pour reproduire les
tumultes de la bataille.
Cette
dernière, et quelques autres scènes qui se comptent sur les doigts
d'une main, proposent beaucoup d'éléments de mise en scène
intéressants qui correspondent aux « pattern » du jeu
vidéo : narration introduisant le présent des narrateurs dans
le passé, balles illuminées qui fusent dans les assauts...
Si
le film peut avoir un minimum d'intérêt, c'est par sa dimension
historique, en se faisant l'écho d'une tragédie qui n'a pas eu
assez de porte-voix, et d'une lutte qui est toujours en cours en
Nouvelle-Calédonie.
D'ailleurs,
sa dénonciation des injustices s'inscrit dans une démarche parfois
similaire à celle de Platoon, en premier lieu, et de La
ligne rouge, dans une moindre mesure. La scène d'intro fait à
ce titre sacrément penser à ce dernier, alors que les intrigues
politiques qui meuvent l'histoire sont plus identifiables à Platoon.
La différenciation des deux partis français et kanaks passe
d'ailleurs par un distingo nature/culture que ne renierait pas
Malick. Grosso modo, la culture française veut écraser les
traditions des « gentils » kanaks.
Autre
détail, les fondues au noir brutales surmontées d'un item sonore
peuvent rappeler ce qu'a produit Gaspar Noé dans Seul Contre
Tous. Celles-ci accompagnent le décompte des jours, au nombre de
8. Imaginez donc voir au bout de chaque « chapitre » le
même écran « J-07 », « J-06 », suivi,
souvent, d'une mise en contexte digne d'une série militaro-SF style
Stargate avec une ligne de
texte en police « top secrète », comme on peut le voir
dans Splinter Cell, par exemple.
Âpre,
rigide, la mise en scène sert une narration qui déploie une
violence latente, parfois mise en relief par des « coups de
pression » où tout le monde se met à aboyer à tue-tête, que
ce soit du côté des militaires, meuglant chacun son tour, ou des
kanaks, qui s'en donnent à cœur joie dans une cacophonie
anarchique.
D'ailleurs,
parlons-en, de l'intelligibilité. Liée à la qualité (ou plutôt à
son absence) du jeu d'acteurs, elle est ruinée par une déclamation
où les mots se perdent, mangés, voire gobés. Le meilleur exemple
est le supérieur du personnage de
Kassovitz. Les kanaks, avec leur accent caractéristique, ne
rendent pas non plus la tâche facile. Heureusement, ce ne sont pas
les rôles les plus importants qui doivent pâtir d'une prise de
parole javanaise. Leur chef parle bien la métropole, puisqu'on nous
précise bien que c'est « un homme d'esprit », après
tout...
Ce
n'est pas le seul renseignement inutile qu'on nous donne, de trop.
Certaines répliques auraient mérité de passer à la trappe, comme
le « ça sonne » de Kasso en tendant le combiné du
téléphone à son ami indépendantiste ; mais ça, c'est qu'un
détail, après tout... Juste que ça contribue à agacer à côté
de trucs plus énervants. Un autre exemple : quel poids donner à
certains rôles plus que secondaires ? Perdu dans la masse,
figurant du second rôle, je me demande encore à quoi sert Augustin
Legrand dans ce qui ressemble parfois à une mascarade de bons potes
qui ont pactisé au détour d'une soirée.
Au
final, la bofitude m'emporte, pensant que je ne peux plus compter sur
Kassovitz pour obtenir ce que j'attendais de lui, un bon
divertissement à la fois instructif et bien foutu.
5/10
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