Pour
la chute des pétales, ou que ce soit pour le nombre de kilomètres
parcourus par un camion vers la station d'amorçage, le temps
s'arrête et les corps s'abandonnent à l'esprit pour laisser libre
cours à l'épanchement des sentiments, refoulés, contenus,
emprisonnés par des principes d'éducation et de morale.
Le
film de Shinkai se donne
pour objectif de retracer le parcours psychologique de jeunes en
quête d'âme sœur, à travers des portraits classiques reformant
par exemple l'essence du triangle amoureux. L'universalité, c'est ce
que tente de toucher l'auteur du scénario, en privilégiant une
certaine fidélité à la naissance du sentiment amoureux chez un
être humain, avec ce qu'elle implique de pureté, d'illusions,
d'espoirs, mais aussi et surtout de retenue, de difficulté à se
donner à l'autre (une mise en exergue de la soi-disant timidité des
japonais ?) ; plutôt que l'innovation dans la divergence, la
marginalité. Choix acceptable, mais qui du coup ne le démarque en
rien de la masse de films à l'eau de rose, grouillant de bons
sentiments, et qui ne se distinguent que par un caché défini par
leur provenance.
Visuellement
superbe, il joue beaucoup sur le clair-obscur, la saturation des
couleurs en contraste, ou tout bonnement la surcharge de détails (le
ciel étoilé avec des aurores boréales) pour conférer un aspect
riche et vivant aux environnement créés.
La
succession des plans se fait ponctuellement de manière saccadée,
empressée, donnant un aspect de bande-annonce à un film qui fait
dans la rapidité, ne serait-ce que par son format court. Les
dernières minutes illustrent parfaitement cela. D'un autre côté,
le film se donne aussi les moyens de jouer la carte de la poésie,
concept un peu surfait dans le genre romantique, surtout lorsqu'il
s'agit d'un film du pays du soleil levant, certes. Pourtant, pas
d'autre qualificatif que celui-là pour désigner une œuvre mise en
relief par l'entremêlement de la narration et d'une mise en scène
essentiellement basée sur la technique numérique.
Le
son est aussi un point fort du film. Certaines scènes dévoilent un
spectre large d'éléments sonores, avant de brutalement se retirer
au profit du silence le plus accablant. Souvent pour souligner un
événement anodin, ce procédé permet d'insuffler une nouvelle dose
de poésie à travers l'inattendu, l'inouï.
L'animation,
enfin, permet de mettre une distance et de prendre ces histoires
d'amour pour des contes oniriques, confinés à l'imagination
idyllique, image chimérique et quelque-peu stéréotypée de
l'amour, sous toutes ses formes. Ainsi, on se permet de rêver au
lieu d'être réfractaire à un contenu peu engageant pour un film
photoréaliste.
Evidemment,
en y réfléchissant bien, on n'échappe pas au sentimentalisme
nippon facilement appréhensible,
ni aux « japoniaiseries » souvent décriées, mais la
sincérité et le cœur à l'ouvrage empêchent de s'adonner à la
méchanceté et au cynisme, mais donnent plutôt envie de
s'abandonner et de devenir fleur bleue. Pas sûr que la formule
aurait marché avec un enrobage occidental, mais après tout,
regagner un peu de son innocence ne fait jamais de mal, surtout quand
le paysage est aussi beau.
7/10

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire