vendredi 23 décembre 2011

We Need To Talk About Kevin : Machiavel, l'enfant roi


Le montage, saccadé, bringuebalant d'avant en arrière, tirant le spectateur de part et d'autre d'une vie de mère, mène le spectateur par le bout du nez pour le faire tourner en bourrique. Car l'effet de style cache difficilement un manque de rythme et de scénarisation propre et consistante qui se font tous deux réellement sentir. Goûter du cynisme de ce mioche diabolique est vraiment jouissif, le voir faire ses conneries juvéniles jusque dans l'adolescence m'évoque les films d'Haneke, Funny Games surtout, en tapant un peu dans le sillon du sentiment de culpabilité chez l'Homme.

Un petit démon avec sa mère, un ange avec son père, sans même savoir pourquoi, sûrement parce qu'elle est damnée ; ou serait-ce une allégorie de la tyrannie masculine sur le « sexe faible » ? Le père serait alors le compagnon idéal, car comme chacun le sait, le meilleur moyen d'anéantir son ennemi, c'est de l'attirer dans ses rangs. Chose faite, la mère peut vivre un enfer pendant que son mari n'y voit que du feu.

En quelques lignes, j'ai raconté tout le pitch du film, qui compte sur ça pour nous faire tenir en haleine pendant plus d'une heure et demie. Il est alors plus facile de comprendre qu'il s'agit d'une blague. D'une comédie d'un nouveau genre forgée au 36ème degré, ne faisant certes pas vraiment rire, mais jouant surtout sur le décalage entre la bienséance et ce que se permet ce petit bout pas très bien élevé. Ca pourrait choquer, c'est surtout tellement décalé qu'il est difficile d'y croire. Disons qu'il s'agit d'une blague à effet prospectif. C'est une fois sorti de la salle qu'on peut se fendre d'un rire ducal, un peu encroûté d'un arrière-goût pâteux.

Seulement ces moments de remise en cause de l'ordre et de petit majeur brandi contre la morale ne font pas tout, et on se languit de voir le bout d'une histoire dont on connaît déjà les aboutissants dès les premières minutes du film... A moins que vous n'ayez rien vu/lu/entendu à propos du film ; mais bon, même sans ça, ça se devine...

Reste que l'ambiance est assez fouillée pour qu'on puisse le ranger dans la catégorie des films « bizarres » et expérimentaux qui méritent d'être revus, avec pas mal de plans bien sentis, des abstractions à foison, et une manière de raconter, décousue certes, mais à part.
6/10

3 commentaires:

  1. Bien, mais je m'attendais à un truc plus viscéral que ça. D'accord avec toi sur le manque de rythme : à partir d'un certain moment, le film se résume pas mal à "A l'age de 12 ans, il a fait ça ; 2 mois plus tard, il a fait ça ; le lendemain, etc., etc.".

    Là où je ne te suis pas, c'est sur l'aspect "comédie" de la chose. Rien de ce que fait le vilain garnement le long du film ne me parait spécialement exagéré (qui d'entre nous n'a jamais tué un hamster dans sa vie ?). Je n'ai pas vu Funny Games et ne suis pas familier avec les premiers films d'Haneke, donc c'est peut-être pour ça que je ne fais pas le rapprochement.

    C'est également le second film en très peu de temps, avec Melancholia, qui me fait miroiter un truc splendide et délirant pendant les 5 premières minutes, puis freine des 4 fers pour proposer ensuite un truc beaucoup plus conventionnel (toutes proportions gardées)...

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  2. Tout le film est une énorme farce, au final. Pourquoi le gosse en veut autant à sa mère, dès la naissance ? Pourquoi ne montre-t-on qu'une facette de la personnalité de ce délinquant en herbe ? C'est bien pour marquer le type, forcer le trait, écraser de la lourdeur du fantasque. Je l'ai vu comme ça, et c'était parfois tellement cynique, noir sur noir, que ça ne pouvait qu'être "drôle", forcément second degré.

    Rien que la scène de dialogue dans le parloir de prison est exemplaire : voir le gosse se défendre d'être un truand pour une bonne raison, ressortir tout l'argumentaire du clairvoyant qui a retourné la société comme un gant de toilette dans sa tête avant de passer à l'acte et devenir hors-la-loi...

    En fait si c'était pas aussi systémique ce serait sérieusement ridicule. Mais tout se base sur une espèce d'absurdité totale qui fait que le sérieux d'apparence fait ressortir le côté jouissif du grand n'importe-quoi. C'est assez paradoxal en fait... Une réalisation premier degré qui couve un scénar' au second.

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  3. C'est vrai que le personnage du fils est assez unidimensionnel. Mais j'y ai moins vu une tentative de glissement vers l'absurde qu'une volonté de symbolisation (pas ultra-subtile, certes). Le film pose la question des origines du mal : se transmet-il ? est-il à l'intérieur de soi dès la naissance ? Ainsi, le personnage de Kevin représenterait pour moi cette boule de mal absolu, et le réalisateur n'a sans soute pas cru bon de s'attarder sur les autres facettes de sa personnalité. Voilà en tout cas comment j'expliquerais la répétition ad nauseam du côté "vilain vilain garnement"...

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