samedi 20 février 2010

Petit Conte Léguminesque (Sannier - Richerand)


Des caractères, des types, des tronches. Des fantoches désarticulés, braillards, goguenards et émincés pour une action qui prend place en Grèce Antique, dans les colonnes de Rhôdes. Cité où il fait bon vivre, la ville connaît la perdition quand la fortune d'une chiche famille fait vaciller l'équilibre économique. Jaloux, envieux et avares s'infiltrent dans une brèche béante ouverte par un mystérieux fils de prêtre-magicien débarqué d'Egypte en compagnie de son mastodonte d'éléphant. Récoltant les fruits colossaux d'un labeur inexistant, la famille cause sa propre perte et est condamnée à ériger un colosse massif, brut mais harmonieux, pour redorer le blason de la ville et rétablir l'honneur de la famille.

Voici, dans les grandes lignes, le peach de Petit Conte Léguminesque, qui comme son nom l'indique ne s'embarrasse pas du premier degré mais s'élance tête baissée dans le ton divertissant et conventionnel de la BD passe-temps, quitte à y laisser des plumes. En effet, les écueils orthographiques endommagent dans une toute première partie le navire de guerre qui parvient toutefois à l'aide de ses vaillants moussons en herbe à colmater la fuite d'attention du lecteur pour l'embarquer de plus belle dans une aventure fluviale. Alors nous suivons le flot, terne, au trait épais mais précis, personnel et enveloppant. Loin de la rigueur impersonnelle d'un réalisme des formes ou pourrait-on dire d'une recherche de naturalisme, le graphisme est volontairement succinct pour épaissir des situations farcesques tout en aménageant une casemate solennelle logée au fin fond du noir et blanc.

On est alors séduit comme on lirait un Pierre Tombal, non pas tant pour se flatter les mirettes que pour les ressorts parodiques d'une Antiquité grecque peinte au vitriole. Et on se laisse donc voguer comme on suivrait aveuglément Ulysse pour accepter avec dérision les assauts furibonds de la fatalité. Parce que Sannier orchestre un récit dont les exigences mentales ne peuvent sauter aux yeux, le propos n'est pas de gonfler les voiles pour amasser l'Or cérébral, mais plutôt de divertir une part de nous-même pour que son instruction se fasse avec aisance.

Et alors on retombe sur nos pattes, après avoir sauté à pied joint des épaules du colosse détrôné par Jupiter, pour recevoir une leçon d'humilité et de modestie que seuls la véritable bande-dessinée et ses créateurs peuvent nous enseigner.


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