Alternant entre leur vie de famille à la ferme et la quête du pays imaginaire par Gavino et son destrier, la narration est lêchée, construite intelligemment à la manière d'un film, aménagée de manière à ménager les transitions entre l'un et l'autre des univers. On se confronte alors à des couleurs à ravir, dans un graphisme aussi enfantin que le ton général, naïf et touchant de bonté et de simplicité. A la fois dépouillé et précis, le coup de crayon a du caractère. Les couleurs, pour davantage en parler, sont magnifiques de justesse, conférant à chaque nouvel environnement une touche chatoyante ou macabre, et accompagnant donc à merveille ce conte dont la base est enfantine et le sujet profondément sérieux et adulte.
Pour effectuer un parallèle avec le monde des jeux vidéo, lui-même lié à l'univers des contes (pour enfants), illustrés ou non, l'univers graphique fait immanquablement penser à la poésie d'Ico, ses couleurs blafardes, mais aussi éclatantes, rayonnantes comme pour mieux effacer l'obscurité qui se cache dans le fond du postulat. Outre cette prouesse vidéoludique, les forêts, la nature et son placement vis-à-vis de la nature humaine, la perdant autant qu'elle s'y soumet, évoque The Path. Lui-même inspiré du conte du Petit Chaperon Rouge, il se proposait de faire vivre au joueur une expérience confondante de tristesse mais aussi de beauté, par ses touches sombres et mélancoliques qui parsemaient autant la forêt insurmontable défilant sous les yeux de notre avatar, que le chemin qui se dressait, à l'envi, devant son regard perdu, cherchant dans tous les recoins une issue possible. Foncièrement pessimiste, ce jeu reflète pourtant un univers que la bande-dessinée ci-présente représente lui-même.
Ce dernier est alors partagé entre les métaphores en tout sens, une poésie magistrale qui repose uniquement sur les solides épaules du petit Gavino devenu grand et une mise en abyme de l'histoire contée dans l'histoire par une fille au chevet de son défunt père. Une profusion d'éléments convergents, aux confluents des différents styles narratifs et fictionnels, qui offre au lecteur une escapade qui se transforme en véritable échappatoire du monde réel, pour peu que l'on se laisse happer par ce conte bercé par, vous l'aurez peut-être compris, l'inconsistance de l'homme face à la perspective de la mort, mais pas seulement. En effet, de nombreuses questions émergent aussi bien en parallèle, en gravitant autour de ce thème, tout en étant aussi vastes que la vie elle-même, qui n'apparaît paradoxalement au jeune Gavinot que trop courte. A vous d'explorer ces interrogations philosophiques, pour vous perdre dans les méandres de votre esprit que La Promise aura pris soin d'ensorceler et sonder pour vous y submerger définitivement.
Merci pour cette critique fort élogieuse ! D'autant plus encourageante que l'album a bientôt un an, et qu'au vu du flot de "produits" publiés chaque mois, on aurait tendance à penser que ce qui n'a pas été lu le mois même de la parution est à jamais perdu...
RépondreSupprimerQuant à comparer l'album au plus beau des jeux vidéos jamais édités, Ico, que dire..
Si l'esprit du scénario de la Promise vous a plu, vous serez sans doute à même d'apprécier le film "La Voie du chat", disponible ici :
www.la-voie-du-chat.labascule.tv
Un conte philosophique partiellement en film d'animation (directeur de la réalisation, l'excellent auteur de BD Jérôme Jouvray), une autre façon d'explorer les grands points d'interrogation de la vie. Et une bande son superbe, qui porte autant de poésie que celle composée par Michiru Oshima pour Ico, et signée Marc Hansmann.
Encore merci !
myriam, scénariste de La Promise et réalisatrice de La Voie du Chat