vendredi 5 février 2010

LA ROUTE (John Hillcoat)


Une ambiance phénoménale. Une entame qui tranche dans le vif pour évoquer le dernier film d'Hillcoat. Post-apocalyptique, il l'est assurément, pessimiste, il l'est d'autant plus. Monté tel un crescendo, le film glisse progressivement du pessimisme à s'en loger une entre les deux yeux à l'optimisme triomphant le plus naïf (la fin). Mais là n'est pas la question car la fin ne saurait être connue qu'en le voyant, ou en lisant le livre de McCarthy dont il est l'adaptation. Eh oui, encore une resucée... De partout, y'a plus qu'ça ! Mais des copies comme ça j'en veux bien à tous les p'tit déj'. Car si La Route, comme j'ai déjà pu le dire, ou plutôt le faire comprendre, ne vaut pas tant pour son scénario ou son originalité, mais surtout pour son ambiance. Construit intelligemment de manière à privilégier les grands espaces dévastés en première partie de film, il ressert au fur et à mesure l'étau de l'univers qu'il prend soin de décliner. Pour être clair : vous quittez les autoroutes déchiquetées par le chaos post -fin du monde pour rejoindre les plages éthérées où il n'y a que vagues et sable fin à perte de vue. De quoi déconcerter ! D'autant plus que la première partie se distingue de sa ou plutôt ses petites soeurs en mêlant les souvenirs du héros campé par Viggo Mortensen à la (sur)vie présente qu'il mène en compagnie de son cher rejeton. Syncopée, donc, car entrecoupée de souvenirs partagés en compagnie de sa regrettée épouse, elle n'est pas à l'image du reste du film qui privilégie la relation bipolaire père-fils. Celle-ci, touchante car dénotant avec l'immoralité et la sauvagerie dont font preuve la majorité des autres êtres humains, fait justement graviter ce petit monde, paradoxalement le macrocosme, autour de leur microcosme, qu'ils constituent tant bien que mal en luttant pour leur survie en cherchant des denrées alimentaires. A tout prix, aurait-on envie de dire, mais non, car c'est bien la touche "nice guy" qui règne, dans les règles de comportement qu'un père doit normalement inculquer à son fils, même si tous les facteurs externes concordent à ce que ces règles sociétales soient détruites, leur monde reste imperturbable et hermétique à la bestialité ambiante. Pourtant perturbé, ébranlé à de nombreuses reprises, qui constituent les péripéties et les moments intenses, le dernier rempart contre l'inhumanité tient tant bien que mal pour que ces deux comparses, plus que parents, gardent leur intégrité et donc leur humanité.

Entièrement basé sur le survivalisme, le film comme le livre, que je n'ai malheureusement pas lu, contient donc l'émergence d'une lueur d'espoir dans un océan de noirceur qui finira bien, quoiqu'il en soit, par constituer un brasier d'optimisme, pour comme qui dirait terminer en "happy end". "Dérangeant", c'est pourtant bien le mot qui vient à l'esprit, autant que les adjectifs "cafardeux", "noir comme c'qui s'passe dans le trou du cul d'un mammouth pendant une éclipse solaire", au regard de ces images léchées et pourtant pénétrantes de tristesse. Grises, noires, mais magnifiques, pures, plaquées sur un objectif pour magnifier le monde réel. Un plaisir des yeux, un régal par son atmosphère, il est jouissif, alors qu'on s'attendrait à déprimer en choeur. Et c'est bien là que réside l'essence du film : faire prendre conscience au spectateur de sa réalité, de ce qu'il traverse au jour le jour pour mieux appréhender son univers et anticiper sur les probables affres de l'avenir. Une prise de conscience salutaire donc, qui à la fois le choque et malmène ses pensées, mais qui en même temps lui fait regagner espoir et lui insuffle même, pourrait-on dire, une once de bonheur. Paradoxal, oui, mais c'est bien ce que ce crescendo "optimistique" cherche à créer.

Pour conclure, une sommité pour l'ambiance, une déception pour la résolution du synopsis, un très bon moment pour du cinéma de haute voltige à contempler les yeux et l'esprit grands ouverts en version originale sous-titrée.

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