vendredi 5 février 2010

Des Oiseaux, Des Mers (Ville Tietäväinen)

A l'image d'un film comme Irréversible, de feu Gaspar Noé, la bande dessinée dépaysante qui croise notre regard pour mieux l'aguicher construit sa narration à rebours. Cadencée comme une bombe à retardement, elle s'appuie sur un graphisme fin et une coloration sobre pour à la fois contribuer au réalisme et plonger le lecteur dans un univers exotique et surtout asiatique. Léché, il reflète la qualité des dialogues qui pour une fois ne font pas la part belle à un vocabulaire fleuri le plus souvent à déplorer en bande-dessinée.

Mature donc, l'intrigue est ficelée de manière à conter les tribulations (non, pas d'un chinois en Chine) de deux tourtereaux, passez-moi l'expression, qui doivent fatalement prendre en charge un nouvel arrivant au sein de la famille qu'ils forment désormais. Oui, une fois le nouveau-né parvenu, il faut bien compter pour trois, et ce n'est malheureusement pas pour le plus grand plaisir de la famille maternelle, conservatrice, qui les a au préalable contraints au mariage. Rabaissés à une existence prosaïque, ils mènent une vie morne dont le seul point de mire réside dans l'éducation de leur fils, jusqu'au jour où... Sans vous en dire plus et ainsi gâcher votre plaisir qui je l'espère saura être saisi, je peux retomber sur mes pattes et vous affirmer que cette succession de vignettes est autant un ravissement pour les yeux qu'un enrichissement personnel.

Contribuant à la réflexion sur le sujet pourtant maintes fois rabâché de la famille, Ville Tietäväinen ouvre grandes les perspectives d'interprétation d'une histoire qui au final, il faut bien l'avouer, ne brille pas par son rythme haletant. Là n'est pas la question, quoiqu'il en soit, et si l'originalité du scénario ne saute pas aux yeux, l'ambiance de confinement dans laquelle sont piégés ces jeunes loups suffit au maintien de la cohérence scénaristique. Perdus dans l'immensité de Hong-Kong et les turpitudes de l'autorité familiale, ces victimes du prédateur qu'est leur propre existence vivent - en conformité avec une mise en abyme à revers - leurs plus beaux jours au royaume des songes mélancoliques.

Un très beau voyage, assurément, dont la rigueur des traits et l'uniformité thématique des couleurs n'a d'égal que la profondeur psychologique d'âmes torturées que tout lecteur est à même de psychanalyser à l'envi.


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