
Commencer l'appréhension de la filmographie de Fellini par Intervista est une mauvaise idée. Pas que ce soit une mauvaise pioche ; non, mais l'auteur se donne tellement en spectacle qu'il est plus raisonnable d'avoir déjà goûté son Art. La mise en abyme du cinéma est l'occasion ou jamais de retourner le ciné Italien comme un gant pour en faire une oeuvre entre l'exubérance, le grotesque et le tapage de La montagne Sacrée de Jodorowsky et le plus discret Inland Empire de Lynch. Il n'en reste pas moins que toutes trois ont pour point commun d'oeuvrer pour la destruction de la frontière entre le film et le spectateur. La caricature ! Tout est dans l'art de détourner les codes du cinéma pour faire se superposer les niveaux imbriqués entre le « rêve » conté en début de film et la réalité de Fellini. Entre deux s'inscrit la fiction, logée dans les différentes strates malmenées d'avant en arrière (à l'image de la scène où le kamasutra nous est conté).
Et si le scénario n'est pas au premier plan tant il semble décousu de fil blanc, c'est la thématique de l'interview qui mène le jeu. Elle est celle d'un groupe de Japonais qui s'immisce dans les entrailles de la direction d'acteurs, suivie par un jeune critique acteur malgré lui. Et entre peuples de cultures différentes, entre êtres de chair et de sang étrangers, il y a toujours entrevue de ce que l'ailleurs a à nous offrir. Chaque phrase ou chaque geste est autant d'attentions portées à un être que capte in extenso Fellini. La réflexion sous-jacente se fait donc sociologique, et même politique et historique lorsque l'Italie fasciste est entraperçue au début du film. Il est donc impératif de maîtriser tout un pan du cinéma idéologiquement orienté, voire documentaire, pour espérer saisir au bond les nombreuses balles invisibles et silencieuses catapultées vers le spectateur.
Mais le film est surtout l'énorme canular d'une promesse de film. Une approximation de ce qu'aurait pu être la romance filmée et reprise par les prises de vue indiscrètes de l'Entrevue. Comme les dessous d'une production cinématographique comme on nous en abreuve dans les bonus de DVD. Mais un nu et des chutes (de reins) habillés par des placements de caméra qui ne laissent rien au hasard.
Intervista cultive donc l'absurde pour mieux extirper les abats du cinéma. Cette théorisation du cinéma, exercée dans les dialogues comme dans les plans, ne fait pas d'Intervista un pur divertissement aux émotions limpides et angéliques, mais indiscutablement un régal froid ainsi qu'une extase cérébrale pour qui veut pousser l'étude des moyens cinématographiques jusque dans leurs derniers retranchements.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire