
De cette base naissent des situations tour à tour cocasses, dramatiques ou poétiques. Truffé de métaphores, comme on peut s'y attendre dans un film « Art et Essai », qui plus est asiatique, l'intrigue ne nous laisse aucun temps mort et fait fourmiller les idées comme des pop-corns en cocotte. Instables, elles jaillissent et s'activent comme le spectateur raisonne sans cesse sur la mystérieuse identité du tueur de « Riz sauté ». Sans jamais nous donner la clé jusqu'à ce que Bong nous révèle la véritable scène du crime, il laisse malicieusement le spectateur dans l'expectative, marinant dans son jus en compagnie de la mère de Do-Joon et de son ami, « mauvaise fréquentation » qui a contribué à sa déliquescence.
Creusé, fouillé et réfléchi, les trouvailles sont nombreuses, à l'image de cette scène dans un bar de la Corée du Sud qui fait intervenir la mère et l'avocat de Do-Joon, dans une ambiance de karaoké qui fait coïncider l'écho généré par le micro avec l'ivresse instantanée de la mère qui ne tient pas l'alcool. Parmi les coups d'éclat qui ne font pas perdre de sa superbe à l'auteur de The Host, Bong Joon-Ho réitère sa réussite, en comprenant les mêmes ingrédients d'humour, de drame et de fantaisie asiatique. En nous concoctant ce fameux cocktail, il tisse un thriller qui de fil en aiguille accentue la folie d'un binôme séparé par la fatalité. Preuve que le désespoir peut être source de folie expansive, Mother est aussi un fabuleux hommage à la figure éminemment responsable et lourde de conséquences de la mère.
Ironique ou sans arrière-pensée, cet hommage est ambivalent et s'appuie sur la personnalité trouble, travaillée par le péché, la frustration et le remord de Kim Hye-Ja, pierre angulaire de la narration. Soumise au mensonge, aux reproches et à la douleur, elle lutte pour la survie de son couple, plus que pour sa santé seule. Dévouée corps et âme à son fils qu'elle croit innocent, elle est le reflet d'une schizophrénie saillante dont une des facettes se trouve mise au ban de la société. Psychotique, la réalisation du film est folle à lier, et réussit même la prouesse de l'emporter sur l'exubérance monstrueuse d'un The Host dont l'ambiance est on ne peut plus singulière.
Une perle, Mother commence comme il se termine, sur une touche de gaieté désabusée qui laisse entendre qu'une simple impulsion nerveuse salvatrice peut réduire tous les maux à néant.
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