
Ainsi la comédie reste le nœud, et le jeu de scène des comédiens tient le pavé, grâce à Björk, mais également Catherine Deneuve, pour ne citer qu'elles. Le théâtre a donc droit lui aussi à son imbrication en poupées russes du microcosme théâtral dans le macrocosme filmique. Les bribes d'une pièce sont ainsi jouées sous l'œil innocent du spectateur, qui est amené à établir un parallèle entre des scènes chorégraphiques de pure comédie musicale et cette répétition à laquelle participent Selma et son amie Kathy. Ces passages sont paradoxalement filmés de manière « brute », de sorte à les rattacher à la vraisemblance du réel et du vécu de l'héroïne, jeune immigrée de Tchéquie avec un fils à sa charge. Misérables, ils vivent terrés dans une caravane tandis que l'ouvrière s'investit corps et âme à l'usine pour recueillir un précieux pécule devant épargner son fils de la cécité. A mesure que les yeux de la mère se closent, et donc que son ouverture sur le monde se restreigne, sa destinée perd elle aussi un peu plus du peu de superbe qu'elle possédait initialement.
Dancer In The Dark impose un règne sans partage entre un parti pris du réel et une fiction la plus fantaisiste. Si aucune « phase » ne dépareille, une certaine sensibilité au genre de la comédie musicale est toutefois requise. Pouvant bousculer au premier abord, la théâtralité, le lyrisme et l'onirisme de ces scènes éloignent considérablement Björk, autant que le spectateur, du prosaïsme de leur quotidien. Une fois ces éléments hétérogènes ingérés, digérés et donc assimilés, la fusion semble totale. Dès lors, on s'attend à ce que le film suive la trame de ces pas de danse enjoués jusqu'à son terme. Mais comme vous pouvez vous en douter, tout l'intérêt du film réside dans sa faculté à torturer la vraisemblance, pour non pas idéaliser le réel, mais le faire contraster toujours plus nettement avec les rêves de Selma, jusqu'à ce que la réalité la rattrape et laisse le spectateur sur sa faim, partagé entre des sentiments antagonistes. Un final en demi-teinte donc, réussi mais scindé, à l'image du film, entre la fuite du désespoir et la quête d'une espérance.
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