En effet, combien de jeux peuvent aujourd'hui prétendre tenir le joueur en haleine jusqu'à la barre des 100 heures sans qu'il ne se lasse pas ? Bien peu, et ce même dans le genre du jeu de rôle. Bien évidemment, les impératifs techniques ont dépassé celui de la durée de vie, autrefois primordial, mais l'essentiel n'est pas là. SOA, ou Eternal Arcadia pour les intimes, représente la quintessence d'un travail d'orfèvre comme on n'en fait plus. A mi-chemin entre la richesse et la complexité des RPG old-school et la beauté graphique (voire artistique) de ses confrères actuels, il est l'aboutissement de la pérégrination du RPG console jusqu'en terres saintes.
Riche d'un design coloré qui ne se veut aucunement réaliste, le titre de Sega conserve un charme à peine désuet par le nombre des années ainsi que le poids de l'évolution. Les graphismes sont alors suffisamment aguicheurs pour qu'on puisse se plonger en plein ciel dans l'univers unique des pirates bleus.
Le premier bémol qui me vient à l'esprit est celui de la jouabilité lors des phases d'exploration : trop lourd et rigide en comparaison des titres actuels, il peine à faire oublier les progrés réalisés depuis en terme d'animation. Quelques exemples concrets : ouvrir une porte ou monter ou descendre d'une échelle vous demanderont de subir l'animation de la porte s'ouvrant et se refermant automatiquement, ou encore du personnage gravissant ou descendant l'échelle sans que vous ne puissiez interagir. Un peu comme l'animation en focale de l'ouverture des portes du manoir dans le premier Resident Evil. Toutefois, loin de moi l'idée de m'arrêter à ces quelques mécanismes surannés, car ces phases ne concernent pas le nœud du gameplay, qui est bien évidemment le combat au tour par tour. Celui-ci est composé du combat d'« infanterie » et du combat naval.
Le premier, sur lequel il est le plus judicieux de se pencher, est bien sûr le plus répandu au sein des RPG. Ainsi, chaque membre de l'équipe utilise ses attaques, normales ou spéciales (également nommées super-attaques), sa magie, son inventaire (contenant des objets en quantité illimitée) et ses illustres droits de fuite et de garde.
Là où se distingue SOA, c'est dans sa gestion des « points d'esprit », indépendants des points de magie (plus communément appelés « mana »). En effet, un nombre de points fixe est automatiquement attribué aux combattants à chaque nouveau tour. Ces mêmes points sont calculés selon leurs niveaux respectifs acquis grâce à l'expérience. Ces points permettent alors au choix de déclencher une super-attaque par personnage (la plus gourmande en points) ou une attaque magique.
Extraite de la liste des sorts propres à chaque personnage, un sort demande donc un nombre requis de points d'esprit ainsi que la consommation d'un « point de magie » par sort. Le nombre de points de magie à la disposition de chaque combattant varie selon les capacités innées du personnage. Ainsi Fina, implicitement identifiée comme « mage », dispose de plus de points d'esprit que Vyse, le héros principalement échu au combat à l'épée. Mais alors, comment acquière-t-on les différents sorts ?
Réparties selon les six couleurs de « lunes », les magies s'apprennent par accumulation de points obtenus en fin de combat, simultanément aux points d'expérience. Le joueur peut de fait améliorer le niveau de la couleur magique de son choix afin de gagner de nouvelles magies. Effectué durant le combat, le choix de la couleur de l'arme est indissociable des points finaux. L'intérêt stratégique réside dans le fait que chaque monstre rencontré est identifié par une couleur, qui doit en toute logique être dominée par celle que le joueur aura choisi. Ainsi, le rouge sera particulièrement efficace contre le mauve, comme le feu a l'ascendant sur la glace.
Le panel des possibilités offertes au joueur est donc large, et ce n'est pas le versant naval qui me fera dire le contraire. Aussi stratégiques que beaux, les combats entre navires prouvent par leurs subtilités qu'ils sont loin d'être anecdotiques. Jouissant eux aussi de la décomposition des attaques magiques et physiques ainsi que de l'utilisation d'objets, ils se distinguent par la notion d'équipage. Au gré des heures de jeu, le joueur a alors l'occasion d'agrandir le cercle des pirates bleus qui gravite autour du capitaine Vyse. Utiles sur notre île croissant, ils le sont aussi en « air » lorsque leurs services peuvent être alloués en échange de points d'esprit. Utiles pour se protéger des canons ennemis, pour doubler le nombre de PE ou encore pour réparer le vaisseau, leurs fonctions respectives équivalent les bénéfices des sorts ou des objets.
Comme dans un jeu d'échecs, il nous est demandé de combler les cases représentant quatre actions (pour autant de membres de l'équipe) au début de chaque tour. Il faut alors faire preuve d'esprit tactique lorsque les cases jaunes et rouges nous mettent en garde sur les mauvaises intentions de l'adversaire. Les couleurs ponctuent donc les quatre colonnes représentant chaque action de chaque membre. Le « feu vert » est donné au joueur par une case entièrement verte ou bien par l'intermédiaire d'un « C! » inscrit sur fond vert. Il est alors temps de mettre toute sa puissance de feu à exécution pour infliger à l'ennemi le plus grand nombre de dommages. De même, une case verte avec l'icône du « super-canon » superposée offre quelques fois au joueur d'utiliser l'arme navale la plus puissante du jeu pour causer des dégâts considérables.
On pourrait encore parler très longtemps de la technique enrobant Skies Of Arcadia, c'est pourquoi je me baserai sur l'affect pour conclure. Si ce titre est pour beaucoup l'un des meilleurs RPG consoles, il est évident que c'est pour une bonne raison. Artistiquement fantastique, doué d'un univers insolite, doté de superbes instrumentations couplées à une ambiance phénoménale, Eternal Arcadia est surtout un jeu d'endurance conçu pour marquer les esprits. A la différence d'un Final Fantasy VII reconnu et encensé de toute part, le seul défaut d'Eternal Arcadia est d'être originalement sorti sur une console moribonde. La Dreamcast, chant du cygne de Sega côté hardware, a enfanté un de ses plus beaux jeux pour le faire trôner aux côtés des incomparables Shenmue.
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