
Ralentis, légers déplacements de la caméra en travelling, l'essence du cinéma asiatique à la fois héroïque et poétique réside en cette mise à jour des films de sabre Japonais. Samuraï à la lame aiguisée mais surtout au canon bien scié, ces yakuzas là traitent d'égal à égal avec ceux qui constituent leur famille, et n'omettent pas d'appliquer le code de l'honneur quand un des leurs s'avère déserteur. En effet, le postulat du film place tout d'abord un des protagonistes dans une situation délicate : il constitue le lâche qui a abandonné sa famille mafieuse au profit d'une détente paternelle en compagnie de sa femme et de son fils. Alors qu'il pensait consacrer sa vie à la création plutôt qu'à la destruction, son passé le rattrape et le hante jusqu'à ce qu'il connaisse une fin... A l'image du film.
En partant de ce résumé non exhaustif, on peut déjà remarquer que le scénario ne fait pas dans l'originalité pure, mais compense largement en musclant son rythme et en proposant des scènes de « gun-fight » épiques qui subliment le code d'honneur et, il faut bien l'avouer, la classe naturelle de ces marginaux redoutés par la Loi. Coups de feu exhibant des nuées de fumée, effusions vaporeuses de sang et corps qui se déploient au ralenti, tous les ingrédients sont réunis dans la forme pour servir le contenu de fond. Celui-ci, suffisamment varié pour qu'on ne s'ennuie pas, fait rebondir ces (anti)héros de péripéties en péripéties, jusqu'à l'ultime scène, dantesque, digne d'un Scarface.
La comparaison ne paraît alors pas anodine quand on sait que ce fameux Johnnie To (le réalisateur, si vous ne suivez pas), a des origines occidentales, et puise donc autant son inspiration dans le cinéma asiatique que dans un cinéma qui nous paraît plus conventionnel. Ce savant mélange crée donc ce que Quentin Tarantino a voulu produire avec Kill Bill : un film alléchant qui sait distraire, tout en y ajoutant les implications morales et autres suggestions existentielles que soulève l'oeuvre du cinéaste nippon. Plus intelligent qu'il en a l'air donc, ce film emprunte autant au cinéma à grand spectacle façon Matrix, pour prendre la référence la plus proche et frappante, qu'au flegme nonchalant d'un Kitano qui prend toujours soin de développer un univers loufoque à peine caché derrière le masque d'un homme sans foi ni loi, le type ultime du « méchant », soit le pervers sadique que le cinéma aime tant mettre à l'ouvrage.
Ainsi, la justesse avec laquelle est filmée l'existence de marginaux brutes au coeur tendre laisse pantois autant qu'admiratif. Précisément, il s'agit bien de contemplation, sentiment dans lequel Johnnie To veut nous induire, de gré, ou de force.
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