jeudi 23 février 2012

GTA IV : The Ballad of Gay Tony (CB#2)

Support : Playstation 3
Temps de jeu cumulé : 12 heures
Statut : Histoire finie
Progression : 66.43%
Appréciation finale : 6/10


Crackdown, GTA-like sur Xbox360


DU REALISME BADASS
Je parlais de "réalisme" dans mon précédent laïus, mais il faut avouer qu'il s'agit d'un réalisme de perlimpinpin, à peu près aussi réaliste qu'une chronique de Retour vers le futur. Si le réalisme existe, il est essentiellement graphique, et s'inscrit surtout en distingo de gameplays totalement débridés, comme celui de Crackdown, par exemple, enfanté par un parent de GTA : la boucle est bouclée.
On peut parler de "badass", dans le plus pur esprit Gears Of Warien, car l'épisode de Gay Tony joue dans la surenchère vis-à-vis de ses aînés : base jump (saut périlleux avec reprise de volée en parachute), fusillades qui donnent le tempo et le sens du rythme à l'aventure, avec des armes inédites on ne peut plus efficaces, et fort accroissement de la densité de biatches au mètre carré... Mais là je m'égare.

LA NARRATION ET LE JEU
Et là c'est sérieux. Passer de l'un à l'autre peut s'avérer délicat, notamment lorsque le joint n'est pas assez bon pour gommer la redondance des scènes aux airs de déjà vu. Prenez une cinématique suivant un rendez-vous à un point B : celle-ci narre un rendez-vous qui se passe mal et qui transforme la situation en véritable émeute pour les deux acolytes en place. Sauf que rien ne justifie vraiment cette dégénérescence de l'action puisqu'une ellipse (factrice de retournement de situation donc) pas forcément bien sentie a éludé le fait même que l'on est coincé au sein d'un immeuble qui depuis la conversation avortée s'est transformé en guêpier, comme ça, d'un coup, sans crier gare. Un gimmick cinématographique, certes, mais qui rompt momentanément le pacte tissé entre le joueur et les développeurs, celui du quatrième mur invisible, la tête dans le guidon. On appelle ça l'"effet Metal Gear Solid 4" ou "mais elle est où la belle animation !?!".

LES INCOHÉRENCES PAR L'IMPERFECTION
Mais on n'est pas encore à l'ère de l'hologramme et des jeux 100% motion-capturés, tournés à l'aide d'une caméra 3D, comme le seraient un film en fait, mais à 360 degrés, de A, à Z. Maintenant, vous êtes dans la deuxième "séquelle" de GTA IV, et vous pétez la vitre d'une voiture pour vous y infiltrer, côté passager, avant de faire le tour et de réussir, comme par magie, à entrer côté conducteur, sans pour autant avoir explosé la vitre de la sportive, qui soit dit en passant, aux années 2010, est toujours équipé d'un bitonio pour verrouiller la portière.

Même constatation quand vous vous attelez à faire la grimace sur la jouabilité. La maniabilité est ultra-assistée d'un côté, avec le "lock", qui est l'héritage des anciens épisodes sur console, et de l'autre côté, elle est effarante de nullité, quand il s'agit de piloter un hélicoptère et d'utiliser les armes dont il est équipé en même temps, avec les boutons de la tranche de la manette, au nombre de 2*2 superposés (une manette de PS3, quoi. En un mot comme en cent : c'est épouvantable. Attendez-vous à souffrir, cet épisode met sérieusement l'accent dessus, tant est si bien que très vite vous aurez le curieux sentiment qu'on vous demande tout le temps d'aller à l'héliport puis de piloter un truc pas maniable pour un sou.

L'objet du crime
MAIS UNE MANIABILITÉ POUR DES SENSATIONS... PURES ?
Comme cette extension de GTA IV conserve bien évidemment les invariants du gameplay du jeu original, la donne reste inchangée. Les voitures ont ainsi toujours cette inertie qui les fait ressembler à des savonnettes. La conduite "chassis qui se barre en couille" reste donc déconcertante et il faut un certain temps pour outrepasser ce problème et s'y faire un tant soit peu. En bref : ce n'est pas précis, et c'est surtout pas toujours fun... Sauf quand le hasard réserve de bonnes surprises comme un tête à queue qui finit bien : les roues pile poil dans l'axe de la route, prêt à repartir sur les chapeaux de roue. Faudrait-il alors souffrir et renier le luxe hédoniste de l'arcade école Crazy Taxi pour apprendre le sens du "easy to play, hard to master" de l'école Street Fighter ? L'arcade n'est donc pas à remettre en cause ; même si l'on parle bien de "conduite arcade" pour des jeux comme Burnout ou Outrun, et on aurait tort de s'en priver puisque ce dernier a connu ses belles heures dans les salles enfumées. GTA se fait grand, et il veut une conduite plus mature, plus exigente et donc forcément moins amusante dans l'immédiat, mais aussi plus gratifiante quand on arrive au bout de nos peines.

Avant
DE LA CONTREFAÇON DE LA MEILLEURE DES FAÇONS
Les modèles de voiture sont par contre toujours aussi agréables à l'oeil, surtout en ce qui concerne les sportives, bien qu'elles soient de grosses imitations à peine dissimulées d'Aston Martin ou de Ferrari. Leur déformation de carrosserie n'aurait de toute manière pas plu aux constructeurs officiels, compte-tenu du leitmotiv de jeux "simu" comme Gran Turismo 5, qui de manière officielle clament le parti pris du "stay clean" pour l'amour des belles voitures de collection, taille réelle, en temps réel (mais virtuel hein, vous me suivez ?) mais qui en réalité ont sûrement des impératifs autrement plus commerciaux, comme respecter l'image de marque d'un fabriquant...

Après

C'est la même chose quand il s'agit de nommer des enseignes de magasins ou de faire de la pub pour des chaînes de restauration. 24/7 est par exemple une grosse copie-nette de 7/11, qui n'est non pas la date du plus grand choc des cultures entre les barbus et les imberbes, mais qui est en fait une chaîne de magasins du genre de ceux qui ne ferment jamais l'oeil, que ce soit de jour ou de nuit, pour le bien de leurs clients, mais aussi de leur compte en banque. Même si GTA aime à se lover dans la parodie, on est ici plus proche d'un pastiche assez évident. En tout cas, il n'est pas le seul, et en analyser les principaux demanderait tout un dossier.


UN FAN-SERVICE QUI ASSURE
Brucie, Roman Bellic, Billy Grey des Angels Of Death, et j'en passe pas mal... Tout comme des lieux, évidemment, des situations qui évoquent le renouveau de Liberty City du quatrième volet, à l'image de cette première cinématique où tout est dit : on y aperçoit Nico Bellic au volant d'une berline de mafieux, toujours la gueule barbouillée de poils vieux de trois jours. Et cela ne s'arrête pas au clin d'oeil, car on recroise souvent ces personnages bien connus au cours de l'aventure, en éclairant ainsi un peu plus le joueur sur les événements du jeu, étant donné que les deux "stand alone" de GTA IV se passent en même temps que le jeu d'origine. C'est ainsi qu'une mission comme "Not So Fast" réunit en une succession de plans les trois personnages emblématiques de chaque épisode : Nico Bellic, Johnny Klebitz et Luis Fernando Lopez. Plus que tout autre, ce dernier épisode est emblématique de l'art cinématographique du croisement de portraits, comme aime à le pratiquer Inarritu.


THE BALLAD OF GAY TONY, PÈRE SPIRITUEL DE DRIVE ?
Vous avez vu le blouson de Luis, maintenant écoutez ce thème musical servi dans le menu principal, lorsqu'on met le jeu en pause. J'y retrouve ce même calme discoïde post douche au vin blanc, qui dénote les années 80 et les boîtes qui retiennent la nuit. Et si ce n'était que ça... A la moindre encablure de pont, lorsqu'un hélicoptère me surplombe et qu'il faut que je m'engouffre dans une rue étroite au lieu de suivre la voie rapide, je m'imagine au volant de la carpe de Drive... Et me revient alors le moindre détail "jeuvidéoesque" du film : la fusillade dans l'appartement, avec l'ultraviolence de l'exécution dans la salle de bain, très "Vice Cityesque" dans l'esprit (la tronçonneuse se trouvait dans une salle de bain), mais aussi le look de la rousse ascendant vulgaire toute boudinée dans son jean 

LES JOIES DU HASARD 
On sait que GTA est très doué pour raconter des histoires, et surtout les mettre en scène. Les nombreuses missions annexes, à peine perceptibles pour certains (contenues dans votre téléphone portable, ou déclenchés ponctuellement sur la map) amènent quelques fois de bonnes surprises, en-dehors des sentiers battus des rencontres qui tournent mal et dégénèrent en fusillade.

Et c'est au détour d'une balade en taxi, au carrefour d'une grande avenue, qu'un type planté avec une clope, la veste de loubard en cuir vissée sur les épaules, toise le petit "hispanique" de Luis (le héros) d'un air élitiste. Ce personnage très secondaire, aléatoire même, a pour lui l'accent typique du frenchie débarqué en Amérique pour y briller comme une paillette incandescente, à la Vincent Cassel dans Black Swan, avec un air goguenard et une attitude 100% nihiliste. Ce petit gars, c'est Arnaud, et sa rencontre est propice à une nouvelle démonstration de rhétorique pamphlétaire : contre la télé américaine, mais surtout contre le tempérament supposé râleur des français.


DES DIALOGUES DÉSOPILANTS 
Ils sont très nombreux, c'est certain, mais ils sont malheureusement mal mis en valeur par le bruit du moteur un peu trop envahissant de votre véhicule, et qui ne peut pas être modulé indépendamment du son des voix. Le son des "effets" est global, point barre, ne cherchez pas à faire votre marché, le son des voix ne peut pas être rehaussé. Espérons que ce sera corrigé avec le prochain épisode.

Pour l'instant, on déguste au maximum ce qui fait la grosse qualité de la série, même si son langage peu châtié de vitrine, pour attirer le chaland "wesh cousin c'est 18+" lui porte quelque-peu préjudice... Mais GTA a de toute manière conscience de ce qu'il est : un divertissement défouloir, et il l'assume comme jamais dans cet épisode. Beaucoup de types de personnes en prennent pour leur grade, et le microcosme "people" de l'Internet est sérieusement écorné, en porte-à-faux des peoples IRL. "Killed by a social network" pour un personnage secondaire qui twitte (avec un autre nom dans le jeu) jusqu'à son dernier souffle, "Je ne veux pas que tu deviennes un connard de blogueur imbu de lui-même", de Tony (le patron) à Luis, toujours en poussant l'exagération pour faire grincer des dents. Allez va, Gay Tony est finalement tellement attachant qu'on ne lui tient pas rigueur de cette jalousie qu'il tient envers ses petits-enfants les stars numériques, dotés de la même ambition, un brin plus lâche, qui a fait la fortune du gay le plus célèbre de la saga GTA.

VERDICT ?
Arriver au bout de la trame principale d'un GTA est toujours un événement en soi, qui lui redore instantanément son blason pour reléguer les critiques de manque de renouvellement et d'approximations techniques au second plan. Il est vrai que j'y ai passé de bons moments et que j'ai parfois trouvé matière à m'extasier, quand j'ai pu me jeter d'un avion, déclencher mon parachute et profiter des merveilles d'une ville illuminée en pleine nuit, assis, en me laissant glisser vers mon point de chute... Mine de rien, ce sont des moments comme ça qui rappellent pourquoi il s'agit de l'arlésienne du jeu vidéo, du fantasme de la liberté totale : pouvoir explorer une immense ville comme on veut, à tout moment, est une promesse à laquelle on a (j'ai, peut-être) trop goûté, et je n'y trouve malheureusement plus la même saveur, même si elle reste démentielle. On pourra arguer que les équipes de développement sont suffisamment nombreuses pour assurer cette quantité de contenu en level design, mais il est difficile de ne pas rester pantois devant cette représentation urbanistique unique et qui à chaque nouveau titre reconfigure sa propre sphère, sur la base d'un gameplay existant, ou sur un tout nouveau moteur, comme ça a été le cas avec GTA IV. GTA III avait fait fort en son temps, avec Liberty City (New York) en fleuron, le IV a repris le flambeau pour changer à la fois d'échelle graphique et métrique.

Il manque à la Ballade du Gay Tony l'élément de surprise graphique qui a pu faire mouche jadis. On n'est plus autant baba, mais peut-être que la cinquième estoc sera l'occasion de faire dans le neuf, et pourquoi pas de réincorporer les éléments de RPG de San Andreas, qui avait fait date en son temps grâce à son audace. On peut bien espérer cela du dernier épisode de cette génération de consoles de salon ? 

La vidéo bonus démoniaque qui m'a certainement le plus amusé

Parodie de Metal et remake de Piège de cristal dans la mission "Dropping In"

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