dimanche 20 novembre 2011

Minuit dans le jardin du bien et du mal


Une affaire de meurtres pour une enquête rondement menée par un journaliste blanc-bec débarqué de la cuisse de Liberty City. Enveloppez ça d'une bonne pointe de mysticisme vaudou complètement halluciné, à l'orée du fantastique, et roulez-le dans la farine de la décadente Savannah, où tout le monde est « ivre et armé » à toute heure de la journée.

Un programme réjouissant sur le papier, une affaire qui tourne au ralenti, en vérité. Ce ne sont pas les coups de boutoir d'une passion homosexuelle bien trop convenue qui détournent d'un dénouement de l'affaire bien trop prévisible.

J'ai bien peur d'y voir deux films en un. D'un côté, un thriller judiciaire dans la veine de Peur Primale avec la belle gueule de Norton, de l'autre un échantillon du Gran Torino qui jaillira des années plus tard. Dans le bouillonnement d'une communauté pluri-éthnique, dans le foisonnement des confessions et des orientations sexuelles, hétérosexualité, homosexualité, androgynie, béotiens, dévots, athées... Eastwood épouse le parti pris du réalisme, sûrement aussi palpable que dans le livre de John Berendt que je n'ai pas lu.

Le film, en tout cas, a les apparences d'une adaptation par trop fidèle, trop narrative, et finalement pas assez cinématographique. L'impression de voir un téléfilm daté sur TF1 ou France 3 est tenace. Perry Mason est cité en faire-valoir pendant la plaidoirie de l'accusé, et on n'est finalement pas loin de la réalité lorsqu'il s'agit de défendre le film. Sans prétentions, il accole les arguments clichouilles les uns aux autres pour faire aboutir le procès sans trop d'étonnements. La réalisation est globalement agréable, douce comme un film récent de Eastwood, propre et tempérée, avec quelques plans insistant un peu trop sur les réactions « en direct » du jury, de leurs mimiques faciales à leur indignation, ainsi que quelques contre-champs d'antan que pas mal de réalisateurs d'aujourd'hui auraient du mal à faire passer à cause de leur empreinte « feux de l'amour ».

D'un côté, c'est un bon moyen de faire reluire les faiblesses du système judiciaire américain, mais c'est aussi une autre façon de nous faire bayer au corneille alors que l'on connaît déjà tout, tout, tout, on connaît tout sur les ricains. Ne serait-ce qu'avec Philadelphia, par exemple, qui défendait aussi la cause des homosexuels avec la sensiblerie pleurnicharde du Grand SIDA.

Sous un autre angle, on peut aussi apprécier la démonstration pour sa nature théorique. On peut y voir une recherche de la vérité, qu'elle soit réelle, par l'expérience de la vie, ou virtuelle, par l'Art. Eastwood tarde à donner les clés du château qui permettent de ressaisir le film d'une toute autre manière.

J'avancerais la thèse que justice est faite par transcendance, qui serait donc seule détentrice de la Vérité, réceptacle et émettrice de toutes les vérités individuelles. En achevant son film sur une note fantastique, Eastwood rend facile l'élucubration de toutes les théories les plus fumeuses, pour peu qu'elles aient un minimum de cohérence avec les événements qui ont précédé. Cela me titille l'idée qu'Au-Delà ne doit pas être très loin dans le point de vue... Il faudra que j'y jette un œil.

Le premier rôle du journaliste manque de saveur à mon goût. Le mystère qu'il cultive le relègue au second plan derrière un Kevin Spacey charismatique et aussi convaincant que dans American Beauty, dans lequel il tournera par la suite. Il lui manque une âme qui pourrait le rendre attachant et le faire sortir de la banalité du stéréotype « jeune type hétéro et effacé, un brin trop professionnel et pince-sans-rire de la décontraction ». Et pourtant, le comble c'est de voir trop de bavardages, trop de personnages secondaires fantasques issus des quartiers chocs et côtoyant les beaux chics, qui divertissent un temps mais font traîner l'ensemble en longueur pour finalement faire couler le paquebot Derrick pour faire piquer un petit roupillon. 

5/10 

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