Une
affaire de meurtres pour une enquête rondement menée par un
journaliste blanc-bec débarqué de la cuisse de Liberty City.
Enveloppez ça d'une bonne pointe de mysticisme vaudou complètement
halluciné, à l'orée du fantastique, et roulez-le dans la farine de
la décadente Savannah, où tout le monde est « ivre et armé »
à toute heure de la journée.
Un
programme réjouissant sur le papier, une affaire qui tourne au
ralenti, en vérité. Ce ne sont pas les coups de boutoir d'une
passion homosexuelle bien trop convenue qui détournent d'un
dénouement de l'affaire bien trop prévisible.
J'ai
bien peur d'y voir deux films en un. D'un côté, un thriller
judiciaire dans la veine de Peur Primale avec la belle gueule
de Norton, de l'autre un échantillon du Gran Torino qui
jaillira des années plus tard. Dans le bouillonnement d'une
communauté pluri-éthnique, dans le foisonnement des confessions et
des orientations sexuelles, hétérosexualité, homosexualité,
androgynie, béotiens,
dévots, athées... Eastwood épouse le parti pris du réalisme,
sûrement aussi palpable que dans le livre de John Berendt que je
n'ai pas lu.
Le
film, en tout cas, a les apparences d'une adaptation par trop fidèle,
trop narrative, et finalement pas assez cinématographique.
L'impression de voir un téléfilm daté sur TF1 ou France 3 est
tenace. Perry Mason est cité en faire-valoir pendant la
plaidoirie de l'accusé, et on n'est finalement pas loin de la
réalité lorsqu'il s'agit de défendre le film. Sans prétentions,
il accole les arguments clichouilles les uns aux autres pour faire
aboutir le procès sans trop d'étonnements. La réalisation est
globalement agréable, douce comme un film récent de Eastwood,
propre et tempérée, avec quelques plans insistant un peu trop sur
les réactions « en direct » du jury, de leurs mimiques
faciales à leur indignation, ainsi que quelques contre-champs
d'antan que pas mal de réalisateurs d'aujourd'hui auraient du mal à
faire passer à cause de leur empreinte « feux de l'amour ».
D'un
côté, c'est un bon moyen de faire reluire les faiblesses du système
judiciaire américain, mais c'est aussi une autre façon de nous
faire bayer au corneille alors que l'on connaît déjà tout, tout,
tout, on connaît tout sur les ricains. Ne serait-ce qu'avec
Philadelphia, par exemple, qui défendait aussi la cause des
homosexuels avec la sensiblerie pleurnicharde du Grand SIDA.
Sous
un autre angle, on peut aussi apprécier la démonstration pour sa
nature théorique. On peut y voir une recherche de la vérité,
qu'elle soit réelle, par l'expérience de la vie, ou virtuelle, par
l'Art. Eastwood tarde à donner les clés du château qui permettent
de ressaisir le film d'une toute autre manière.
J'avancerais
la thèse que justice est faite par transcendance, qui serait donc
seule détentrice de la Vérité, réceptacle et émettrice de toutes
les vérités individuelles. En achevant son film sur une note
fantastique, Eastwood rend facile l'élucubration de toutes les
théories les plus fumeuses, pour peu qu'elles aient un minimum de
cohérence avec les événements qui ont précédé. Cela me titille
l'idée qu'Au-Delà ne doit pas être très loin dans le point
de vue... Il faudra que j'y jette un œil.
Le
premier rôle du journaliste manque de saveur à mon goût. Le
mystère qu'il cultive le relègue au second plan derrière un Kevin
Spacey charismatique et aussi convaincant que dans American
Beauty, dans lequel il tournera par la suite. Il lui manque une
âme qui pourrait le rendre attachant et le faire sortir de la
banalité du stéréotype « jeune type hétéro et effacé, un
brin trop professionnel et pince-sans-rire de la décontraction ».
Et pourtant, le comble c'est de voir trop de bavardages, trop de
personnages secondaires fantasques issus des quartiers chocs et
côtoyant les beaux chics, qui divertissent un temps mais font
traîner l'ensemble en longueur pour finalement faire couler le
paquebot Derrick pour faire piquer un petit roupillon.
5/10

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