
Tokyo! se propose de donner un aperçu de la capitale Nippone sous 3 angles différents.
Le premier court est réalisé par Gondry. C'est une nouvelle, car après une première partie générique au possible, le film s'ouvre à la fantaisie et à la patte onirique du réalisateur sans qu'on s'y attende. De telle sorte que ça tourne vite à l' histoire abracadabrantesque, dont l'objet principal est digne d'une pub pour Ikéa. On s'ennuie ferme dans un premier temps, mais c'est pour mieux se distraire du fantastique des situations dans lesquelles se trouve la jeune femme accompagnant son petit ami. Quand la magie opère, on ressent surtout l'influence du rêve éveillé nommé Eternal Sunshine Of The Spotless Mind. et filmé à travers le prisme « parisien » de La Science des Rêves.  
Après l'avoir vu, si on ne retient globalement pas grand-chose de ce court, ce n'est pas vraiment parce qu'il est d'un commun profond et aseptisé (bien que ça puisse sembler être le cas au premier coup d'oeil), mais plutôt parce qu'il ne dépareille pas de la filmographie d'un réalisateur dont le style est déjà bien établi et repérable.  
Sans transition, Merde de Carax fait son entrée comme une énorme injure aux spectateurs, et s'impose comme la meilleure qui ait jamais été faite, à ma connaissance, au cinéma. Le cinéaste se donne à cœur joie de pondre avec plaisir le plus gros caca possible dans le plat de l'Art, chiant sur le bon goût, la morale et l'hygiénisme. Il en résulte un court facile à appréhender, visuellement loin d'être inintéressant, largement catharsique, et donc forcément drôle.  
Ne respectant ni la bienséance ni le bon sens, la merde courte sur pattes slalome entre les déjections encravatées sans y poser le pied gauche, tout ça pour faire fi des codes cinématographiques dictés par les grandes soeurs désodorisées. Avec moins de discours imagé, c'est un joyeux canevas en foutoir d'une plèbe affolée par une paire de trolls terroristes à l'œil torve, munis d'une robe ou d'un costume de Joker, mais tous deux au service du (règne ani)mal. Ils sont la transposition au reflet grossissant d'une République française aux valeurs égarées, et où deux frères de sang peuvent manipuler la loi et l'ordre avec l'aisance d'un schtroumpf au bonnet phrygien se délestant d'une barre chocolatée dans un bol de lait. Une sacrée merde ? Une merde sacrée, j'préfère.
Le dernier court, de Bong Joon Ho, rappelle à l'ordre et coupe vite l'envie de rire. Maintenant, on redevient sérieux. On sort son recueil de poèmes et on écoute attentivement le professeur en suivant la cadence métronomique des vers. En bon asiatique sérieux à qui on a commandé un film en guise de devoir de vacances, Joon-Ho obtempère en filmant sa vi(ll)e de tous les jours, en y mettant les formes pour que sa maman ne soit pas révoltée par ce qu'il produit comme monstruosités quand elle a le dos tourné, mais plutôt pour qu'elle soit admirative de ce que son petit chérubin a accompli sur la route du succès. En bon élève et en bon fils aimant et aimé, Bong injecte un peu de sa personnalité introvertie et farouche pour transcender sa vision douce et poétique d'un Otaku vivant reclus dans un appartement de la ville, envahi par les livres de toutes sortes, les rouleaux de papier toilette (oh!) et les boîtes de pizza.  
Beaucoup plus lent, circulaire et forcément plus homogène que le tâcheron du chiffonnier qui occupait précédemment son siège, le travail est propre, sans bavures, sans ratures, avec l'attention charmante, car fortement espérée, de toucher les foules en faisant naître un amour unique et idyllique au cœur de l'impossible. Maman a trouvé le sujet original, bien montré et émouvant. Pour cela, elle adore un peu son fils prodige. Tout est bien qui finit bien pour notre réalisateur.
Globalement, Tokyo! gagne en diversité et en originalité (surtout grâce au concours du deuxième court, vous l'aurez compris) ce qu'il perd en développement scénaristique à cause de son format étriqué. De ce Tokyo fantasmé, on en retient le caractère impalpable, résultante d'une réalité déformée par la perception de chaque réalisateur. Une bonne initiative, un assez bon essai.
6.5/10
 
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