mercredi 8 juin 2011

Les invasions barbares : Une évasion barbante ?


La mise en scène est clairement atypique : on la reconnaît comme maladroite et inappropriée car elle ne cadre pas avec le standard d'aujourd'hui, puis on se figure qu'elle est novatrice, comme pour admettre que Denys Arcand fait du nouveau avant l'heure... Un seul exemple des plus visibles : la transition entre les scènes se fait au moyen de fondues qui déforment notre perception des ellipses pour davantage les mettre en exergue. Cette même perception, habituellement « limpide » et sans anicroche, est faussée par le fait même que l'on a intégré l'ellipse comme une composante naturelle du cinéma.
D'une part c'est troublant, et d'autre part cette réalisation « jeuniste » contraste largement avec le propos « cinéma Art et Essai ». Raconter la perte d'un être cher, l'existence parsemée d'embuches et de peines, l'approche de la Mort et en contrepoint l'espérance d'avoir bien vécu sa vie... Autant de thèmes qui se recoupent et confèrent au film un caractère tragique aux encoignures antiques, forcément lyrique, engoncés dans le drame perpétuel du cycle de la Vie.
De A à Z, tout est fait pour susciter l'identification, l'empathie et la compassion, censés idéalement l'emporter sur le capitalisme froid et carnassier, afin que ceux qui occupent encore la Terre ne vivent que mieux leur amour pour y aposer un grand A. Oui, vous l'aurez compris, c'est poétique. Oui, ça donne envie de se draper d'une toge et d'une couronne de fleurs pour se la jouer pastorale bucolique loin de ce monde de fou, dans la nature, loin de la pollution.
Et pour rester dans le puéril, le Canadien s'avère parfois difficile à comprendre, et a certaines sonorités quasi-étrangères, « barbares » pour mieux utiliser le titre à son avantage. Et parlons-en, justement, de ces invasions (de langage) barbares. Partant d'une scène du film où un sociologue pérore sur le 11 Septembre, elles semblent a priori ne désigner en rien l'essence de la narration, et paradoxalement s'appliquer à tout en même temps : il est facile d'y aller de sa métaphore générique applicable à tel ou tel élément remarquable du film.
Le film d'Arcand est un film générationnel : Primo Lévi, Godard, Sartre, Camus, Hugo etc. sont placardés en porte-étendards d'une culture partagée entre tous, à l'écran comme dans la salle. Et si ce n'est pas le cas, ces marques font office de seaux de qualité pour qui voudrait prendre mal à parti ce film inattaquable car fondamentalement bon envers les injustices de ce bas-monde. Comme on le dit si familièrement, chaque âge réserve son type de film, et je n'en suis malheureusement pas encore arrivé là pour oser l'apprécier à sa juste valeur... A moins qu'il s'agisse d'autre chose ?
5/10

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