vendredi 19 mars 2010

La Nuit des fous vivants (Romero)


Tous fous. Autant qu'ils sont. Sous une mantibule bulbeuse ils cultivent la folie. Reconnue comme telle ou non, ils vivent dans un monde où la folie est sous l'égide de lois. Eloge de l'égide, qui couvre l'arme à feu comme une arme sainte et immuable, ils usent et abusent d'un droit de pouvoir sur leurs congénères, pour exterminer et purifier un monde d'une autre pathologie qu'ils ne peuvent admettre. Ces êtres, ce sont ces hommes en blanc, grimés de masques à gaz, qui luttent contre une infection qui se répand par les voies orales. Propice aux comportements les plus sociopathes, ce virus, libéré par une arme bactériologique fomentée par le gouvernement sous prétexte d'une prétendue vaccination, libère les spores d'un génocide annoncé. Toute une petite ville devenue No Man's Land, dans Easterns City, bourgade reculée de l'Amérique profonde. Far West où les cow-boys jouent de la (fine) gâchette pour rétablir l'équilibre dans une lutte entre le bien (tout blanc tout propre) et le mal (l'exubérance de comportements « insolites »), la barbarie s'instigue le plus insidieusement là où on ne s'y attendrait pas a priori. Du côté de la justice, elle règne sans foi ni loi, et fait resplendir un violent réquisitoire contre les armes à feu de notre feu-Romero. Encore gouverné par l'envie de faire entendre une forte revendication sociale sous les apparats d'un film bariolé pour les QI inférieurs à 40, il frise les 250 km/h lorsqu'il s'agit de duper le docte spectateur paradoxalement le plus crédule. Parce qu'il ne faut pas se limiter à son caché d'apparence suranné, enfoui dans une mise en scène libérale fin 70's début 80's, pour mieux gratter de son ongle crasseux le vernis qui dissimule un énième tour de force de notre sieur réalisateur. L'odeur et l'âpre vérité d'un fumet qui a pastiché sa texture au Bad Taste ou Brain Dead de Peter Jackson, le mets est délicat pour peu qu'on le laisse fondre en bouche pour se délecter de sa myriade de saveurs parfumées.

Ce quatrième film, qui ne jouit pas du statut culte d'un Zombi, ultime pamphlet contre une Amérique dégénérescente bercée par le surconsumérisme, l'a bien cherché. Sous son titre français qui donne le ton parodique en clin d'œil à la première réalisation de Romero, La nuit des morts-vivants, il dessine d'emblée les contours d'une cour où il va se frayer un chemin pour en créer les contours. Presque anormal dans la filmographie de l'homme en R., La nuit des fous-vivants est un bel hommage aux clichés du film de zombies, tout en offrant au genre une dérivation des plus bienvenues. Parce qu'il ne présente pas une horde de cadavres décharnés et émaciés, il humanise les chairs putréfiées pour renforcer du même coup la portée référentielle de son message. Par identification à des êtres physiquement semblables, le spectateur peut davantage prendre au sérieux ce qui a toutes les caractéristiques d'une grosse blague, et qui ne fait d'ailleurs rien pour s'en cacher. Le but ultime étant d'éduquer les masses à la réflexion sur le terme de « folie », on comprend mieux pourquoi ce film prend le parti de la zizanie, de la mise en scène hyperactive et du sérieux rabroué. Parce qu'on ne parle jamais mieux de la folie qu'en adoptant ses codes, s'il en existe, le travail d'orfèvre anarchiste de Roméro a définitivement ciselé une société qui ne porte de toute évidence pas assez attention à sa propre santé mentale, ne serait-ce que sous l'Institution de l'armée, bille en tête, qui légitime des croisades dont la lubie et les répercussions sont le plus souvent sans fond.


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